Droit civil

La Cour de cassation protège l’autonomie de communautés religieuses

Cour de cassation, Assemblée plénière, 4 avril 2025

- Modifié le 25 octobre

Entrée de la Cour de cassation
Entrée de la Cour de cassation au Palais de Justice de Paris
(Tiraden – CC By-SA)

Le 4 avril 2025, la Cour de cassation a décidé que le juge judiciaire n’a pas pouvoir de statuer sur une décision de renvoyer un ministre du culte, qui relève de l’autonomie des communautés religieuses, ni sur les conséquences matérielles d’une telle sanction.

Le 30 août 2011, un diacre a été renvoyé de l’état clérical par une « sentence pénale », prononcée en première instance par « l’officialité » de son diocèse, à la suite d’accusations d’agression sexuelle par une paroissienne. Le 22 juin 2015, cette décision a été confirmée en appel par la « Rote romaine », un tribunal catholique siégeant au Vatican [1].

Dans un encadré, le communiqué de la Cour de cassation résume le rôle des tribunaux internes de l’Église catholique romaine, régis par le code de droit canonique :

« Les juridictions ecclésiastiques prononcent des peines qui sont prévues par le droit canonique : excommunication, ordre de demeurer dans un lieu, interdiction d’exercer certains offices, interdiction de prêcher, renvoi de l’état clérical, etc. »

En conséquence, l’archevêque a pris un « décret d’exécution » de la révocation de ce ministre du culte, mettant fin à sa rémunération, à sa protection sociale auprès de la CAVIMAC, ainsi qu’à la mise à sa disposition d’un logement par l’association diocésaine.

L’ex-diacre a saisi le juge civil pour contester cette décision des juridictions ecclésiastiques et obtenir une indemnisation des préjudices matériel et moral qui en ont résulté.

Infirmant le jugement de première instance, la Cour d’appel de Toulouse a déclaré recevable l’exception d’incompétence présentée par l’association, puisqu’il s’agit de décisions « dont la Cour n’a pas à apprécier la légalité, le principe de séparation de l’Église et de l’État lui interdisant de s’instituer juge d’appel des officialités ou autres tribunaux ecclésiastiques [2] ».

Saisie d’un pourvoi en cassation, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation [3] a estimé que cette affaire posait une question de principe et a donc ordonné son renvoi devant l’assemblée plénière, composée du premier président et de représentants de toutes les chambres de la Cour.

Siégeant dans sa formation la plus solennelle, la Cour de cassation a rendu un arrêt important le 4 avril 2025. Elle devait répondre à la question : est-ce que la justice judiciaire est compétente pour trancher un litige de nature patrimoniale, lorsqu’il est directement lié à une décision prise par la justice ecclésiastique ?

La Cour de cassation rappelle d’abord le cadre juridique français, basé sur les principes de laïcité (article 1er de la Constitution française) et de la séparation des Églises et de l’État (articles 1er et 2 de la Loi du 9 décembre 1905), qui protègent la liberté de conscience et le libre exercice des cultes.

Alors que le moyen mettait en avant la conclusion d’un contrat entre les parties, comportant des engagements et obligations purement civils, la Cour a rappelé sa jurisprudence :

« La Cour de cassation juge que l’engagement religieux d’une personne exclut l’existence d’un contrat de travail pour les activités qu’elle accomplit pour le compte et au bénéfice d’une congrégation ou d’une association cultuelle légalement établie ».

Elle en déduit qu’un ministre du culte d’une association diocésaine, dont le statut est assimilé à celui des associations cultuelles [4], ne peut pas invoquer l’existence d’un contrat de travail.

En ce qui concerne la demande d’annulation de la décision litigieuse, la cour suprême tire des principes précités et de sa jurisprudence l’incompétence des juridictions civiles :

« Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il n’appartient pas au juge civil d’apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision de nomination ou de révocation d’un tel ministre du culte prise par une autorité religieuse légalement établie en application des règles internes qui la gouvernent. »

Plus particulièrement sur la question de sanction ou d’exclusion, elle se réfère à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dont la Grande chambre a décidé en 2013 que « Le principe d’autonomie interdit à l’État d’obliger une communauté religieuse à admettre en son sein de nouveaux membres ou d’en exclure d’autres [5]. »

Quant aux préjudices qui découleraient de ce renvoi, l’assemblée plénière rejette également le moyen du demandeur basé sur l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne :

« Dès lors, l’indemnisation de préjudices nés de la décision d’une association diocésaine de mettre fin à la prise en charge matérielle consentie au ministre du culte pour l’exercice de son ministère, lorsqu’elle n’est pas détachable de la décision de révocation, n’est pas un droit défendable au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Les demandes de l’ex-diacre contre l’association diocésaine n’étant pas fondées, celui-ci est condamné aux dépens.