CA Montpellier, 6 novembre 2001
Autorité parentale - Droit de visite et d’hébergement - Religion - Liberté de conscience

- Modifié le 28 janvier 2017

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1° Chambre Section C

ARRÊT DU 6 NOVEMBRE 2001

R.G : 00/5439

APPELANTE :

Madame X...

représentée par [...]

INTIMÉ :

Monsieur Y...

représenté par [...]

X... est appelante d’une ordonnance rendue le 14 novembre 2000 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER en ce que cette décision, après l’avoir autorisée à résider séparément de son mari Y..., a dit que l’autorité parentale sur l’enfant commun né en octobre 1999 et dont la résidence habituelle était fixée au domicile maternel, serait exercée conjointement, et a accordé au père un droit de visite et d’hébergement à exercer les première, troisième et éventuellement cinquième fins de semaine de chaque mois ainsi que pendant la moitié des vacances scolaires.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

X... demande à exercer seule l’autorité parentale, et que ne soit accordé au père qu’un droit de visite à exercer les jeudis et un dimanche sur deux de neuf heures à dix-huit heures.

(Conclusions déposées le 5 avril 2001).

Y... conclut à la confirmation et au prononcé d’une amende civile contre l’appelante.

(Conclusions déposées le 6 juin 2001).

SUR QUOI, LA COUR,

Attendu qu’X... fonde ses prétentions sur la seule appartenance, non contestée, de son mari à la secte dite « des Témoins de Jéhovah », sans articuler un seul grief qui serait fondé sur le comportement personnel de Y... à l’égard de l’enfant ;

Attendu qu’on ne saurait admettre qu’un parent se prévale de l’adhésion de l’autre aux « Témoins de Jéhovah » pour admettre de plano que l’enfant commun doive être soustrait à l’influence de cet autre ; qu’en décider autrement reviendrait à permettre que des particuliers, agissant isolément ou en groupe de pression, qualifient de « secte » tout groupe minoritaire au sein d’une religion ou d’une philosophie, fassent admettre comme un principe que toute « secte » est condamnable, et en fassent tirer une conclusion d’interdiction ou d’opprobre ; qu’une telle démarche conduit, consciemment ou non, au totalitarisme en menaçant la liberté de conscience d’une minorité ; qu’il n’appartient pas en tout cas aux juges de se substituer aux pouvoirs politique, législatif ou réglementaire, lesquels sont seuls habilités à juger du danger que les « Témoins de Jéhovah » peuvent faire courir à l’ordre public, à leurs adhérents ou aux enfants de leurs adhérents ;

Attendu que, en l’état et actuellement, la seule appartenance de Y... aux « Témoins de Jéhovah » ne saurait motiver qu’il soit exclu de l’exercice de l’autorité parentale sur son enfant ni qu’il se voit refuser le droit de visite et d’hébergement accordé par le premier Juge dans les conditions habituelles en la matière ; qu’il appartiendra à la mère d’user de sa propre part dans l’exercice de l’autorité parentale pour contrebalancer ce qui pourrait lui paraître pernicieux dans l’éducation dispensée par le père ;

Attendu que Y... aurait pu avoir intérêt à réclamer des dommages et intérêts en vertu de l’article 559 du nouveau code de procédure civile, mais n’a pas d’intérêt à réclamer le prononcé d’une amende civile ;

PAR CES MOTIFS,

En la forme : déclare X... recevable en son appel,

Au fond : l’y déclare non fondée,

Confirme la décision entreprise,

Déboute les parties de toutes prétentions plus amples ou contraires,

Condamne l’appelante aux dépens,

Autorise Maître AUCHE-HEDOU, avoué, à recouvrer directement ceux des dépens d’appel dont elle affirme avoir fait l’avance sans avoir reçu provision.