Belgique

Cour de cassation, 21 mars 2013
Loi contre la discrimination - Liberté de religion - Neutralité de l’État - Excommunication

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.12.0240.F

J. L., domicilié à …,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 36, où il est fait élection de domicile,

contre

CONGRÉGATION CHRÉTIENNE DES TÉMOINS DE JÉHOVAH, association sans but lucratif dont le siège est établi à Kraainem, rue d’Argile, 60,

défenderesse en cassation,

représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 10 janvier 2012 par la cour d’appel de Mons, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l’arrêt de la Cour du 18 décembre 2008.

Le président Christian Storck a fait rapport.

L’avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

  • articles 14, 27 et 28 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination ;
  • article 149 de la Constitution ;
  • article 1138, 3°, du Code judiciaire.

Décisions et motifs critiqués

L’arrêt décide que le demandeur n’a pas subi de discrimination au sens de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, par les motifs suivants :

« Existence d’une discrimination au regard d la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination

[Le demandeur] précise que la question même de son exclusion des Témoins de Jéhovah n’est pas remise en cause par [l’action], ni quant à ses causes, ni quant à la régularité de la procédure, mais qu’en revanche, il entend voir sanctionner le comportement discriminatoire dont il s’estime la victime suite aux consignes excessives données à ses anciens coreligionnaires de ne plus le fréquenter, lui parler, ni même le saluer, y compris au sein même de sa propre famille ;

L’existence même de ces consignes qui invitent les Témoins de Jéhovah à adopter certaines règles de conduite à l’égard des ‘exclus’ afin de protéger la ’pureté’ du mouvement contre les anciens membres qui n’en ont pas respecté les règles ne peut être raisonnablement contestée ;

De même, le fait que ces consignes sont bien imputables à [la défenderesse] qui doit en assumer la responsabilité ne peut être sérieusement remise en cause, [la défenderesse] étant bien la représentante officielle du culte des Témoins de Jéhovah en Belgique, quels que soient l’éditeur responsable des différentes revues publiées par le mouvement en Belgique et à l’étranger et la localisation de la communauté régionale à laquelle [le demandeur] appartenait ;

La liberté du culte ne fait pas obstacle à l’application de la loi du 10 mai 2007 dès lors que des comportements adoptés dans le cadre ou sous couvert de l’exercice de ce culte sont susceptibles de créer une discrimination sanctionnée par la loi ;

Il reste cependant à examiner si, en l’espèce, il y a discrimination au sens de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et, partant, matière à sanction ;

La loi du 10 mai 2007 prévoit notamment :

’Article 4. Pour l’application de la présente loi, il y a lieu d’entendre par :

[…] 3° dispositions : les actes administratifs, les clauses figurant dans des conventions individuelles ou collectives et des règlements collectifs, ainsi que les clauses figurant dans des documents établis de manière unilatérale ;

4° critères protégés : l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique, l’origine sociale ;

5° Centre : le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, créé par l a loi du 15 février 1993 ;

6° distinction directe : la situation qui se produit lorsque, sur la base de l’un des critères protégés, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre personne ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable ;

7° discrimination directe : distinction directe, fondée sur l’un des critères protégés, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions du titre II ;

8° distinction indirecte : la situation qui se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner, par rapport à d’autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l’un des critères protégés ;

9° discrimination indirecte : distinction indirecte fondée sur l’un des critères protégés, qui ne peut être justifiée sur la base des dispositions du titre II ;

10° harcèlement : comportement indésirable qui est lié à. l’un des critères protégés et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité de la personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; […]

Article 5. § 1er. À l’exception des matières qui relèvent de la compétence des communautés ou des régions, la présente loi s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris aux organismes publics, en ce qui concerne :

[…] 8° l’accès, la participation et tout autre exercice d’une activité économique, sociale, culturelle ou politique accessible au public.

Article 14. Dans les matières qui relèvent du champ d’application de la présente loi, toute forme de discrimination est interdite. Au sens du présent titre, la discrimination s’entend de

  • la discrimination directe ;
  • la discrimination indirecte ;
  • l’injonction de discriminer ;
  • le harcèlement (...).

Article 28. § 1er. Lorsqu’une personne qui s’estime victime d’une discrimination, le Centre ou l’un des groupements d’intérêts invoque devant la juridiction compétente des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination fondée sur l’un des critères protégés, il incombe au défendeur de prouver qu’il n’y a pas eu de discrimination.

§ 2. Par faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe fondée sur un critère protégé, sont compris, entre autres, mais pas exclusivement :

1° les éléments qui révèlent une certaine récurrence de traitement défavorable à l’égard de personnes partageant un critère protégé ; entre autres, différents signalements isolés faits auprès du Centre ou l’un des groupements d’intérêts ; ou

2° les éléments qui révèlent que la situation de la victime du traitement plus défavorable est comparable avec la situation de la personne de référence.

§ 3. Par faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination indirecte fondée sur un critère protégé, sont compris, entre autres, mais pas exclusivement :

1° des statistiques générales concernant la situation du groupe dont la victime de la discrimination fait partie ou des faits de connaissance générale ; ou

2° l’utilisation d’un critère de distinction intrinsèquement suspect ; ou

3° du matériel statistique élémentaire qui révèle un traitement défavorable’ ;

Le renversement de la charge de la preuve n’est prévu que dans l’hypothèse visée à l’article 28 et n’est pas automatique ;

Il convient donc de vérifier si [le demandeur] invoque devant la cour [d’appel] des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, de harcèlement ou d’une injonction de discriminer ;

Tel n’est pas le cas ;

Les témoignages vantés - lesquels ne sont que de simples attestations d’anciens membres dont la plupart ne concernent pas [le demandeur] - et les faits personnels concrets invoqués - faits isolés à caractère strictement privé : absence d’invitation au mariage d’un neveu en 2004 et 2011 - ne sont pas suffisamment pertinents ni relevants pour établir une possibilité de discrimination et constituer une présomption en ce sens ;

Le fait qu’un mouvement religieux édicte à l’égard de ses membres et publie dans ses revues des règles de comportement à adopter vis-à-vis des anciens membres régulièrement exclus - la régularité de cette exclusion ne faisant pas ici débat -, lesquelles se limitent à éviter de les fréquenter, de leur parler, voire de les saluer, ne permet pas de présumer l’existence d’une quelconque discrimination ;

Pour autant que les limites de la légalité ne soient pas franchies, toute personne est libre de suivre ou non les préceptes de la religion qu’elle a choisie, y compris à l’égard des membres de sa propre famille ;

L’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit le libre exercice du droit à la liberté de religion ;

L’obligation de neutralité et d’impartialité interdit à l’État de porter une appréciation sur la légitimité des croyances religieuses ou sur la façon dont elles se manifestent dans le cadre du principe de l’autonomie personnelle des croyants ;

Même si le mouvement religieux des Témoins de Jéhovah fait l’objet de certaines critiques ou mises en garde (voir notamment le rapport du Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles), il n’est pas repris en Belgique dans la liste des sectes ;

Il n’appartient pas à la cour [d’appel] d’en faire le procès par le biais de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination à défaut d’éléments suffisamment précis et concrets apportés aux débats permettant de présumer l’existence d’une quelconque discrimination à l’égard [du demandeur] ;

Même s’il est vraisemblable que [le demandeur] a été blessé par son exclusion des Témoins de Jéhovah et sa mise à l’écart par ses anciens coreligionnaires, il n’en résulte pas pour autant ipso facto une récurrence de traitement défavorable et une présomption de discrimination ;

[Le demandeur] se retrouve dans une situation comparable à celle de toute personne régulièrement exclue d’un groupe ou d’une association ;

Il peut librement fréquenter toutes les personnes extérieures à ce groupe et adopter toute autre religion de son choix, ce qu’il a d’ailleurs fait en devenant protestant ;

Aucun fait pertinent permettant de présumer l’existence d’une discrimination n’étant invoqué par [le demandeur], la charge de la preuve n’a pas été renversée, en sorte qu’il n’incombe pas à [la défenderesse] de prouver qu’il n’y a pas eu discrimination ;

Aucune violation de l’interdiction légale de discrimination n’est établie par les éléments déposés aux débats par [le demandeur] ;

Partant, sa demande doit être déclarée non fondée en ce qu’elle se base sur la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (ou sur la loi antérieure du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination, dont les dispositions étaient largement similaires), qui ne trouve pas à s’appliquer ».

Griefs

L’article 14 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination dispose :

« Dans les matières qui relèvent du champ d’application de la présente loi, toute forme de discrimination est interdite. Au sens du présent titre, la discrimination s’entend de :

  • la discrimination directe ;
  • la discrimination indirecte ;
  • l’injonction de discriminer ;
  • le harcèlement ;
  • un refus de mettre en place des aménagement raisonnables en faveur d’une personne handicapée ».

L’article 27 de la même loi dispose :

« Les dispositions du présent titre sont applicables à toutes les procédures juridictionnelles, à l’exception des procédures pénales. Au sens du présent titre, la discrimination s’entend de :

  • la discrimination directe ;
  • la discrimination indirecte ;
  • l’injonction de discriminer ;
  • le harcèlement ainsi que
  • le refus de mettre en place les aménagements raisonnables pour une personne handicapée ».

Enfin, l’article 28 de la même loi dispose :

« § 1er. Lorsqu’une personne qui s’estime victime d’une discrimination, le Centre ou l’un des groupements d’intérêts invoque devant la juridiction compétente des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination fondée sur l’un des critères protégés, il incombe au défendeur de prouver qu’il n’y a pas eu de discrimination.

§ 2. Par faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe fondée sur un critère protégé, sont compris, entre autres, mais pas exclusivement :

1° les éléments qui révèlent une certaine récurrence de traitement défavorable à l’égard de personnes partageant un critère protégé, entre autres, différents signalements isolés faits auprès du Centre ou l’un des groupements d’intérêts ; ou

2° les éléments qui révèlent que la situation de la victime du traitement plus défavorable est comparable avec la situation de la personne de référence.

§ 3. Par faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination indirecte fondée sur un critère protégé, sont compris, entre autres, mais pas exclusivement :

1° des statistiques générales concernant la situation du groupe dont la victime de la discrimination fait partie ou des faits de connaissance générale ; ou

2° l’utilisation d’un critère de distinction intrinsèquement suspect ; ou

3° du matériel statistique élémentaire qui révèle un traitement défavorable ».

L’article 149 de la Constitution prescrit aux cours et tribunaux la motivation de leurs décisions. Quant à l’article 1138, 3°, du Code judiciaire, il dispose qu’il n’y a pas d’ouverture de requête civile, mais seulement, et contre les décisions rendues en dernier ressort, possibilité de pourvoi en cassation pour contravention à la loi, s’il a été omis de prononcer sur l’un des chefs de demande.

Première branche

En disposant que « tout forme de discrimination est interdite », l’article 14 de la loi du 10 mai 2007 précise ce qu’il convient d’entendre, au sens de ladite loi, par le terme de discrimination. La discrimination s’entend, entre autres, de « l’injonction de discriminer », laquelle est définie par l’article 4 de ladite loi comme « tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination, sur la base de l’un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres ».

Alors qu’il décide que la demande doit être déclarée non fondée « en ce qu’elle se fonde sur la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination […], qui ne trouve pas à s’appliquer », l’arrêt néglige de s’assurer que la discrimination dont se plaint le demandeur ne consiste pas en une injonction de discriminer.

L’article 27 de la même loi définit ce qu’il faut entendre par le terme de « discrimination » au sens du titre V de cette loi consacré à la charge de la preuve. Il y est précisé que, notamment, « la discrimination s ’entend […] de l’injonction de discriminer ».

En négligeant l’acception du terme de « discrimination » telle qu’elle est définie par la loi du 10 mai 2007 en son article 27, l’arrêt s’abstient en conséquence d’examiner si le demandeur invoque, selon les termes de l’article 28 de ladite loi, « des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe fondée sur un critère protégé » ou « des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination indirecte fondée sur un critère protégé », lesquels entraînent un aménagement de la charge de la preuve en faveur de la victime.

Partant, en s’abstenant de se prononcer sur la discrimination dont aurait été victime le demandeur, étant entendue comme l’ « injonction de discrimination », et, partant, en négligeant d’examiner, eu égard à l’acception légale du terme de « discrimination », les faits qui permettraient de présumer l’existence d’une discrimination directe ou 1’existence d’une discrimination indirecte, l’arrêt viole les articles 14, 27 et 28 de la loi du 10 mai 2007.

Deuxième branche

L’arrêt, qui décide que le demandeur n’a pas subi de discrimination au sens de la loi du 10 mai 2007, néglige de répondre au moyen invoqué par le demandeur dans ses conclusions d’appel, étant la discrimination subie par le demandeur en tant que subissant une injonction de discrimination.

Dans ses conclusions additionnelles et de synthèse d’appel, le demandeur, notamment, décrivait les consignes écrites données aux Témoins de Jéhova et les définissait comme constituant per se une injonction de discriminer ; il considérait que les seules preuves de discrimination à rapporter se trouvaient dans les écrits de la défenderesse ; que la discrimination devait se déduire de ce que ces consignes visaient une certaine catégorie de personne, étant les « exclus » ; que la position de la défenderesse, selon laquelle ces consignes n’étaient que des « réflexions soumises à la sagesse des fidèles », ne pouvait être soutenue, ces consignes consistant en de véritables commandements, dont le non-respect entraîne l’exclusion, et que les effets de ces consignes avaient pour effet d’assurer le bannissement de l’« exclu », en l’espèce le demandeur.

L’arrêt néglige également de répondre au moyen qu’il invoquait dans ses conclusions d’appel, étant la discrimination subie par le demandeur en tant que subissant le harcèlement de la défenderesse.

Dans ces conclusions additionnelles et de synthèse d’appel, le demandeur, notamment, rappelait la définition du harcèlement prévue par la loi du 10 mai 2007 ; il faisait référence, dans l’approche de la notion de harcèlement, à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle ; il faisait référence aux conclusions de la défenderesse aux fins d’en illustrer l’importance, et faisait état des consignes de la défenderesse à ce sujet.

L’arrêt ne répond pas aux moyens invoqués dans ces conclusions d’appel, étant la discrimination dont il est fait état, consistant dans l’injonction de discriminer et dans le harcèlement, et, partant, viole l’obligation de motivation des arrêts et jugements prescrite par l’article 149 de la Constitution ainsi que l’article 1138, 3°, du Code judiciaire.

Troisième branche

L’article 28 de la loi du 10 mai 2007 dispose que, lorsque la personne qui s’estime victime d’une discrimination invoque des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination, qu’elle soit directe ou indirecte, c’est au défendeur qu’il incombera de prouver qu’il n’y a pas eu de discrimination.

L’arrêt énonce qu’ « il convient donc de vérifier si [le demandeur] invoque devant la cour [d’appel] des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, de harcèlement ou d’une injonction de discriminer ».

En décidant que la demande doit être déclarée non fondée « en ce qu’elle se base sur la loi du 10 mai 2007 […], qui ne trouve pas à s’appliquer », tout en limitant l’exposé de ses motifs à l’examen des faits qui seraient constitutifs de discrimination directe ou de discrimination indirecte, sans toutefois constater que les faits constitutifs de l’injonction de discriminer ne sont pas réunis, l’arrêt méconnaît l’exigence de motivation des jugements et arrêts prescrite par l’article 149 de la Constitution.

III. La décision de la Cour

Quant aux première et troisième branches réunies :

L’arrêt constate que le demandeur « entend voir sanctionner le comportement discriminatoire dont il s’estime la victime suite aux consignes excessives données à ses anciens coreligionnaires de ne plus le fréquenter, lui parler, ni même le saluer, y compris au sein même de sa propre famille », et considère que « l’existence même de ces consignes qui invitent les Témoins de Jéhovah à adopter certaines règles de conduite à l’égard des ’exclus’ afin de protéger la ’pureté’ du mouvement contre les anciens membres qui n’en ont pas respecté les règles ne peut être raisonnablement contestée ».

Vérifiant ensuite « si [le demandeur] invoque devant la cour [d’appel] des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, de harcèlement ou d’une injonction de discriminer », l’arrêt, pour exclure que tel soit le cas, retient que « les témoignages vantés - lesquels ne sont que de simples attestations d’anciens membres dont la plupart ne concernent pas [le demandeur] - et les faits personnels concrets invoqués - faits isolés à caractère privé : absence d’invitation au mariage d’un neveu en 2004 et 2011 - ne sont pas suffisamment pertinents ni relevants pour établir une possibilité de discrimination et constituer une présomption en ce sens », que « le fait qu’un mouvement religieux édicte à l’égard de ses membres et publie dans ses revues des règles de comportement à adopter vis-à-vis des anciens membres régulièrement exclus […], lesquelles se limitent à éviter de les fréquenter, de leur parler, voire de les saluer, ne permet pas de présumer l’existence d’une quelconque discrimination », et que le demandeur « se retrouve dans une situation comparable à celle de toute personne régulièrement exclue d’un groupe ou d’une association ».

Il suit de l’ensemble de ces énonciations que l’arrêt examine si les faits allégués par le demandeur ne pourraient pas constituer une injonction de discrimination et exclut que ce soit le cas.

Le moyen, en chacune de ces branches, manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

D’une part, le moyen, qui, en cette branche, ne précise pas sur quel chef de demande l’arrêt omettrait de prononcer, est, dans cette mesure, irrecevable.

D’autre part, il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard qu’après ses conclusions additionnelles et de synthèse, le demandeur a encore pris et déposé des conclusions de synthèse.

En vertu de l’article 748bis du Code judiciaire, pour l’application de l’article 780, alinéa 1er, 3°, de ce code, qui dispose que le jugement contient, à peine de nullité, la réponse aux conclusions ou moyens des parties, les dernières conclusions d’une partie, qui prennent la forme de conclusions de synthèse, remplacent toutes les conclusions antérieures.

Dans la mesure où il est recevable, le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement que le jugement serait tenu de répondre aux conclusions d’une partie antérieures à ses conclusions de synthèse, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de neuf cent vingt-deux euros cinquante-huit centimes envers la partie demanderesse et à la somme de trois cent treize euros trente-six centimes envers la partie défenderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Christian Storck, les conseillers Alain Simon, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du vingt et un mars deux mille treize par le président Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.