Depuis l’ouverture à la concurrence de la fourniture d’énergie, l’augmentation des subventions publiques pour la rénovation énergétique ou l’utilisation simplifiée des financements pour la formation professionnelle, le démarchage des particuliers s’est intensifié, que ce soit par les appels téléphoniques ou le porte-à-porte.
En raison de nombreux abus pour obtenir des signatures de contrat (fausse identité, arguments fallacieux, etc.) et du harcèlement commercial finissant par exaspérer la population française, le législateur a imposé un encadrement (jour, horaires, fréquence [1], numéros de téléphone [2]) voire des interdictions (travaux de rénovation énergétique, comptes personnels de formation [3]) de ces pratiques de vente forcée.
De leur côté, de nombreux maires ont édicté des arrêtés municipaux soumettant le démarchage à domicile sur leur territoire à une déclaration ou autorisation préalable.
L’œuvre bénévole d’évangélisation des Témoins de Jéhovah est-elle concernée par ces dispositions juridiques sur le démarchage ?
D’une manière générale, le démarchage à domicile est défini comme une prospection commerciale :
« Le démarchage à domicile consiste à solliciter un client dans un lieu qui n’est habituellement pas destiné au commerce pour lui vendre des produits ou services [4]. »
La prédication des Témoins de Jéhovah se limite à partager le message de la Bible avec les personnes qui acceptent de discuter avec eux et éventuellement à leur laisser gracieusement une publication, sans aucune contrepartie pécuniaire.
Elle n’entre donc pas dans le cadre du démarchage. C’est ce que confirme un jugement (non frappé d’appel) du Tribunal administratif de Strasbourg, parmi les décisions sélectionnées dans la Lettre de la Cour administrative d’appel de Nancy de mai 2022 :
« le tribunal a estimé que les activités auxquelles se livre l’association [cultuelle de témoins de Jéhovah] ne peuvent être assimilées à du démarchage [5] ».
D’aucuns objecteront que ce terme « démarchage » devrait être interprété dans son acception courante, plutôt que dans sa seule définition prévue par la loi.
D’une part, les dictionnaires français proposent des définitions similaires à l’entrée « démarchage » :
- « Technique de vente consistant à solliciter, à leur domicile, ou sur leur lieu de travail, d’éventuels clients. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition.)
- « Activité commerciale qui consiste à solliciter la clientèle à son domicile. » (Le Robert.)
- « Technique de vente qui consiste à contacter le client à son domicile. » (Larousse.)
D’autre part, à défaut d’une habilitation législative dans un domaine spécifique, les pouvoirs de police du maire restent très limités, suivant les précisions de la jurisprudence :
« La mesure doit être justifiée par un risque réel de trouble à l’ordre public, proportionnée à celui-ci et notamment délimitée dans l’espace et le temps (CE, 19 mai 1933, Benjamin). Le maire ne peut pas faire usage de son pouvoir de police pour instaurer une interdiction générale et absolue. L’exercice du pouvoir de police ne doit pas donner lieu à la mise en place d’autorisations ou de déclarations préalables par voie réglementaire (CE, 22 juin 1951 Daudignac [6]). »
Enfin, pour ce qui est du démarchage par téléphone des personnes inscrites sur Bloctel, une réponse ministérielle a rappelé en 2022 que « les associations et organismes à but non lucratif qui n’agissent pas à des fins commerciales ne sont pas visés par cette interdiction de démarchage [7] ».