En 2011, tandis qu’ils étaient âgés de 20 ans pour l’un et de 18 ans pour les trois autres, quatre jeunes Témoins de Jéhovah arméniens ont été condamnés à deux ans et demi d’emprisonnement pour avoir refusé par conviction religieuse d’accomplir un service militaire, ainsi qu’un service de remplacement dans la mesure où celui-ci était supervisé par les autorités militaires. En 2013, ils ont finalement été libérés par amnistie générale, après avoir purgé plus de deux années de leur peine.
Dans son arrêt Adyan et autres c. Armenie du 12 octobre 2017, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné à l’unanimité l’État pour violation de l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention. Selon le communiqué du Greffier publié le même jour, la Cour a conclu que « les autorités arméniennes n’ont pas dûment pris en considération les exigences dictées par la conscience et les convictions des requérants et ne leur ont pas proposé un système de service civil de remplacement qui aurait ménagé un juste équilibre entre les intérêts de la société dans son ensemble, d’une part, et ceux des requérants, d’autre part ».
Les sept juges de la première section ont ainsi observé « qu’il ne suffit pas qu’un État ait mis en place un service de substitution au service militaire, comme ce fut le cas de l’Arménie en 2004, pour qu’il passe pour respecter le droit à l’objection de conscience garanti par l’article 9 de la Convention. En effet, un État est également tenu d’organiser et de mettre en œuvre ce système, que ce soit en droit ou en pratique, de manière à ce qu’il présente un caractère véritablement civil et à ce qu’il ne soit ni dissuasif ni punitif. »
Or, non seulement les militaires participaient à la supervision et l’organisation du service de remplacement, mais encore les recrues de ce service devaient porter un uniforme similaire à celui de l’armée. En outre, le service civil était bien plus long que le service militaire (42 mois au lieu de 24 mois), ce qui pour la Cour produisait « un effet dissuasif porteur d’un élément punitif ».
L’Arménie devra verser 12 000 euros à chacun des requérants pour dommage moral.
Le Parlement arménien ayant entre temps relevé les mêmes défauts que la Cour européenne à l’encontre de ce service de remplacement, la législation a finalement été modifiée en 2013 pour supprimer le contrôle du service civil par l’armée. Désormais les jeunes Témoins de Jéhovah peuvent accomplir un service purement civil en remplacement du service militaire et en conformité avec leur conscience chrétienne. Au lieu d’être emprisonnés pour objection de conscience, ces citoyens peuvent aujourd’hui contribuer à l’intérêt public en travaillant en tant que paysagistes, agents de propreté urbaine, membres d’une équipe médicale ou travailleurs sociaux.
En 2016, le porte-parole des Témoins de Jéhovah en Arménie s’exprimait ainsi sur le succès de cette adaptation du service de remplacement aux normes internationales : « Nous sommes reconnaissants au gouvernement d’avoir pris des mesures concrètes pour garantir les droits fondamentaux de l’homme, dont le droit à l’objection de conscience. Les jeunes Témoins arméniens peuvent maintenant s’acquitter de leurs obligations envers le gouvernement tout en respectant leur conscience et en faisant du bien autour d’eux. »