Grâce à un nouvel arrêt rendu en leur faveur par la plus haute juridiction administrative, les Témoins de Jéhovah devraient obtenir l’accès à des documents utilisés par la Miviludes pour les accuser de troubles à l’ordre public. Ils pourront ainsi « savoir précisément ce qu’on leur reproche », pour reprendre l’expression du journaliste sur RTL. Dans un entretien accordé à la radio, l’avocat représentant la Fédération chrétienne des Témoins de Jéhovah de France a expliqué l’objet de cette procédure : « Pour finalement arriver à répondre à ces accusations et à ces mises en cause de manière récurrente, de portée générale et souvent infondées, il faut essayer d’aller à la source et d’obtenir des documents qui sont détenus par ces administrations et qu’elles refusent de communiquer ». (1)
Dans un communiqué de presse publié en début de semaine, Me Philippe Goni s’interroge sur les raisons du refus opposé à l’association cultuelle : « Si ces documents contenaient des preuves incontestables du danger que présenterait le culte pratiqué par les Témoins de Jéhovah en France, pourquoi refuser de les divulguer ? N’est-ce pas une condition essentielle dans un débat démocratique de donner les moyens aux parties mises en cause d’apporter la contradiction ? Encore faudrait-il avoir connaissance des éléments concrets de l’accusation pour pouvoir se défendre ! »
En effet, la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires sous l’autorité du Premier ministre et le ministère de la Santé n’ont pas souhaité jouer la transparence. Lorsque la confession a demandé l’accès prévu par la loi française aux documents évoqués dans la presse par le président de la Miviludes en 2006, ils ont essuyé un refus du Premier ministre. De même pour la demande d’une copie de la note de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) datée du 30 janvier 2001, le ministre de la Santé a refusé de communiquer ce document administratif auquel il s’était référé dans un courrier officiel.
La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a rendu deux avis défavorables respectivement en 2006 et en 2007, en estimant d’une manière générale que la communication de documents émis ou détenus par la Miviludes dans l’exercice de ses missions relevait de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978. Ce dernier dispose que « ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte […] à la sûreté de l’État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ». (2)
Le Tribunal administratif de Paris a suivi le même raisonnement dans ses deux jugements du 28 janvier 2010 et a donc rejeté la demande des Témoins de Jéhovah d’annuler les décisions implicites de refus du Premier ministre et du ministre de la Santé et des Solidarités.
Dans son arrêt du 22 février 2013, le Conseil d’État a considéré que le tribunal administratif ne pouvait conclure à un quelconque risque lié à la divulgation de telles informations sans en examiner le contenu et qu’il a ainsi commis une erreur de droit (3). L’affaire est alors renvoyée devant le même tribunal parisien, qui devra rendre une nouvelle décision après avoir consulté les documents litigieux.
Interrogé par RTL à ce sujet, le président de la Miviludes Serge Blisko a essentiellement mis en avant le problème de l’anonymat de ses sources d’informations, car la plupart des documents proviendraient de personnes signalant des dérives sectaires soupçonnées dans leur entourage. (1)
Premièrement, l’intention des Témoins de Jéhovah est davantage d’examiner la consistance du dossier formé par la Miviludes que d’en connaître l’origine. « Avoir accès à ces documents nous permet de montrer que ces fameux documents présentés comme des preuves à charge ne sont en fait que des coquilles vides », confie au journal gratuit Metro Guy Canonici, le président de la Fédération chrétienne des Témoins de Jéhovah de France (4). On se rappelle qu’en juillet 2006 la même juridiction suprême avait permis aux Témoins de Jéhovah d’obtenir les informations transmises par les Renseignements généraux aux commissions d’enquêtes parlementaires sur les sectes de 1995 et de 1999. La presse avait finalement révélé que ce fameux dossier n’était « constitué que de quelques lignes laconiques et d’un inventaire des salles de prières en région » (5) et donc que la base essentielle de la classification de la confession chrétienne parmi les mouvements sectaires comprenait « uniquement une fiche de présentation et la liste de leurs lieux de culte » (6).
Deuxièmement, le Conseil d’État a recommandé au Tribunal administratif de Paris de rechercher « si une communication partielle ou après occultation de certaines informations était le cas échéant possible ». Il suffira donc d’effacer les éventuelles données nominatives au moment de reproduire les pièces en question.
Dans le communiqué précité, Me Philippe Goni rappelle le droit en la matière : « L’action des pouvoirs publics doit de s’inscrire “dans le respect des libertés publiques”. Parmi ces libertés, figure le droit d’accès aux documents administratifs. C’est précisément ce que vient de rappeler le Conseil d’État. »
Et de conclure fort à propos : « L’arrêt du 22 février 2013 impose désormais avec force à la MIVILUDES de travailler en toute transparence et dans le respect du principe du contradictoire. En effet, son action est de plus en plus contestée. Une de ses dérives consiste à mener une politique de stigmatisation à l’égard des mouvements au seul motif qu’ils ont reçu la qualification de “secte”, ce qui a valu récemment à la France de se faire condamner par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. »