À l’époque des faits, l’association requérante dénommée Jehovas Zeugen in Österreich était simplement enregistrée en tant que communauté religieuse en Autriche. Elle n’obtint le statut officiel de congrégation religieuse reconnue que bien après le dépôt de son recours (20 juillet 2005), c’est-à-dire en mai 2009.
En 2002, l’organisation autrichienne voulait employer deux ministres du culte originaires des Philippines, appartenant à l’Ordre religieux des Témoins de Jéhovah, afin de s’occuper de ses fidèles qui parlent le Tagalog en Autriche. Pour bénéficier d’un permis de séjour, ces personnes devaient d’abord obtenir une autorisation de travailler en Autriche ou justifier qu’elles ne sont pas soumises aux dispositions de la loi sur l’emploi des étrangers. Les autorités autrichiennes ont refusé d’accéder à leur requête en affirmant que seules les activités pastorales exercées dans le cadre d’une congrégation religieuse reconnue entrent dans ce cadre d’exemption. La Cour constitutionnelle et la Cour administrative ont confirmé cet avis.
Après avoir déclaré admissible la plainte de la requérante sous cet angle dans son arrêt du 25 septembre 2012, la Cour européenne a condamné l’État autrichien pour violation de l’article 14 (interdiction de discrimination) combiné à l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette différence de traitement, entre communautés religieuses simplement déclarées et officiellement reconnues, constitue aux yeux des juges européens une discrimination fondée sur la religion. Rappelant les précédentes affaires de ministres du culte non dispensés du service militaire faute de reconnaissance de leur religion en Autriche (CEDH, 12 et 19 mars 2009), la Cour conclut au manque de justification objective et raisonnable dans une société démocratique d’un tel refus.
Par la même occasion, la CEDH a été saisie d’une autre forme de discrimination : une donation adressée à la requérante en octobre 1999 a subit une taxation à hauteur de 14 % de la part des services fiscaux en mai 2001. L’exemption prévue pour les congrégations religieuses reconnues ne lui a pas été accordée. Les recours devant la Cour constitutionnelle et la Cour administrative n’ont pas abouti.
Jugeant admissible cette deuxième partie de la requête dans le même arrêt, la première section remarque que le gouvernement n’apporte aucun argument pour justifier l’application de la taxe sur les donations en fonction de la reconnaissance légale ou non du donataire. La violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 (protection de la propriété) du Protocole n° 1 ressort sans difficulté.
Pour sa défense, le gouvernement soulignait que l’association avait été reconnue comme congrégation religieuse le 7 mai 2009 et jouissait depuis lors des privilèges qui en découlent. Cela ne fait que confirmer l’absence de raison qui empêchait jusque-là d’accorder ce statut officiel à la communauté chrétienne des Témoins de Jéhovah.