CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE
Bruxelles, le 24 juin 2013 (25.06)
(OR. en)
11491/13
COHOM 133
COPS 250
PESC 774
FREMP 91
Orientations de l’UE relatives à la promotion et à la protection de la liberté de religion ou de conviction
I. Introduction
A. Raison d’agir
1. Le droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction [1], plus communément désigné par l’expression « droit à la liberté de religion ou de conviction », est un droit fondamental de chaque être humain. S’agissant d’un droit de l’homme universel, la liberté de religion ou de conviction est un gage de diversité. Son libre exercice contribue directement à la démocratie, au développement, à l’État de droit, à la paix et à la stabilité. Les violations de la liberté de religion ou de conviction peuvent exacerber l’intolérance et constituent souvent des signes avant-coureurs de violences ou de conflits potentiels.
2. Toute personne a le droit de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement, sans crainte de faire l’objet d’intimidations, de discriminations, de violences ou d’attaques. Les personnes qui abandonnent leur religion ou conviction, ou en changent, ainsi que les personnes ayant des convictions non théistes ou athées, devraient être également protégées, de même que les personnes qui ne professent aucune religion ou conviction.
3. Les violations de la liberté de religion ou de conviction, ou les infractions à cette liberté, qu’elles soient commises par des acteurs étatiques ou non étatiques, sont très répandues et complexes et touchent des gens partout dans le monde, y compris en Europe.
B. Objectif et portée
4. Lorsqu’elle entend promouvoir et protéger la liberté de religion ou de conviction, l’UE est guidée par l’universalité, l’indivisibilité, l’interconnexion et l’interdépendance de tous les droits de l’homme, qu’ils soient civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels.
5. Conformément aux normes universelles et européennes en matière de droits de l’homme [2], l’UE et ses États membres ont à cœur de respecter, de protéger et de promouvoir la liberté de religion ou de conviction à l’intérieur de leurs frontières.
6. En adoptant les présentes orientations, l’UE réaffirme qu’elle est déterminée à promouvoir, dans sa politique extérieure en matière de droits de l’homme, la liberté de religion ou de conviction, droit qui doit pouvoir être exercé partout par chacun, sur la base des principes d’égalité, de non-discrimination et d’universalité. Grâce à ses instruments de politique extérieure, l’UE entend contribuer à empêcher, en temps voulu et d’une manière cohérente, les violations de ce droit et, si elles se produisent, à y réagir.
7. Dans cette démarche, l’Union se concentre sur le droit des personnes à croire ou à ne pas croire et à manifester librement leurs convictions, individuellement ou en commun. L’Union ne tient aucun compte de la valeur, ou de l’absence de valeur, des différentes religions ou convictions, mais fait en sorte que le droit de croire ou de ne pas croire soit respecté. L’UE est impartiale et ne prend parti pour aucune religion ou conviction particulière.
8. Les orientations expliquent en quoi consistent les normes du droit international des droits de l’homme qui concernent la liberté de religion ou de conviction et tracent clairement, à l’intention des fonctionnaires des institutions de l’UE et de ses États membres, la marche à suivre dans les contacts avec les pays tiers et les organisations internationales et de la société civile. Elles donnent aussi aux fonctionnaires des conseils pratiques sur la manière d’empêcher les violations de la liberté de religion ou de conviction, d’analyser des cas concrets et de réagir de manière efficace aux violations quel que soit l’endroit où elles sont commises, afin de promouvoir et de protéger cette liberté dans l’action extérieure de l’Union.
C. Définitions
9. La liberté de religion ou de conviction est inscrite à l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), ainsi qu’à l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui doivent être lus à la lumière de l’observation générale nº 22 du Comité des droits de l’homme des Nations unies.
Aux termes du droit international, la liberté de religion ou de conviction comporte deux éléments :
a) la liberté d’avoir ou de ne pas avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix (ce qui implique le droit d’en changer), et
b) la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.
10. Conformément à ces dispositions, l’UE a rappelé que « la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction s’applique de façon égale à toutes les personnes. Il s’agit d’une liberté fondamentale qui englobe toutes les religions ou convictions, y compris celles qui ne sont pas traditionnellement pratiquées dans un pays donné, les convictions des personnes appartenant à des minorités religieuses, ainsi que les convictions non théistes ou athées. Elle comprend également le droit d’adopter ou d’abandonner de plein gré une religion ou une conviction, ainsi que d’en changer. » [3]
— Droit d’avoir une religion, d’avoir une conviction ou de ne pas croire
11. L’article 18 du PIDCP protège les convictions théistes, non théistes et athées, ainsi que le droit de ne professer aucune religion ou conviction [4]. Les termes « conviction » et « religion » doivent être interprétés au sens large et cet article ne devrait pas être limité aux religions traditionnelles ou aux religions et croyances comportant des caractéristiques ou des pratiques institutionnelles analogues à celles des religions traditionnelles. Les États ne devraient pas restreindre la liberté d’avoir une religion ou une conviction quelle qu’elle soit. Il est également interdit de contraindre quiconque à abjurer ou à révéler sa religion ou sa conviction, ou à en changer.
12. Avoir ou ne pas avoir une religion ou une conviction est un droit absolu, et ne peut être limité en aucune circonstance [5].
— Droit de manifester sa religion ou sa conviction
13. L’article 18 du PIDCP reconnaît le droit des gens à « manifester » leur religion ou leur conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé. Cette liberté de manifester sa religion ou sa conviction, par exemple par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement, « porte » potentiellement « sur un grand nombre d’actes [6] », dont les liens étroits et directs avec une religion ou une conviction doivent être examinés cas par cas.
14. Contrairement à la liberté d’avoir une religion ou une conviction ou de ne pas croire, la liberté de manifester sa religion ou sa conviction peut faire l’objet de restrictions, mais « des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui » [7]. Ces restrictions doivent être conformes aux normes internationales et doivent être interprétées au sens strict. Sur la base de l’article 18, paragraphe 3, du PIDCP, développé dans l’observation générale nº 22, les restrictions imposées doivent répondre aux critères suivants : elles doivent être prévues par la loi, ne pas être appliquées d’une manière propre à vicier les droits garantis par l’article 18, n’être appliquées qu’aux fins pour lesquelles elles ont été prescrites, être en rapport direct avec l’objectif spécifique qui les inspire et proportionnelles à celui-ci, et ne pas être imposées à des fins discriminatoires ni de façon discriminatoire. Lorsque les restrictions sont justifiées par la nécessité de protéger la morale publique, elles doivent être fondées sur des principes qui ne procèdent pas d’une tradition unique, étant donné que la conception de la morale découle de nombreuses traditions sociales, philosophiques et religieuses. En outre, toute restriction de cette nature doit être interprétée à la lumière de l’universalité des droits de l’homme et du principe de non-discrimination [8].
II. Orientations opérationnelles
A. Principes d’action fondamentaux
15. L’action de l’UE en matière de liberté de religion ou de conviction sera fondée sur les principes primordiaux énoncés ci-après :
1. Caractère universel de la liberté de religion ou de conviction
16. La liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction s’applique de façon égale à toutes les personnes [9]. C’est un droit de l’homme universel, qui doit être protégé partout et pour tous [10], peu importe qui l’on est, où l’on vit et ce à quoi l’on croit ou ne croit pas.
17. L’universalité de la liberté de religion ou de conviction est fondée sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et sur des traités internationaux [11], tels que le PIDCP. Il est également possible de faire référence, le cas échéant, à des traités régionaux en matière de droits de l’homme [12], dans la mesure où ces traités sont compatibles avec le PIDCP.
2. La liberté de religion ou de conviction est un droit individuel qui peut être exercé en commun
18. La liberté de religion ou de conviction protège le droit de chaque être humain de croire ou d’avoir une conviction athée ou non théiste et de changer de religion ou de conviction. Elle ne protège pas une religion ou une conviction en tant que telle. Elle s’applique aux individus, en tant que détenteurs de droits, qui peuvent exercer ce droit individuellement ou en commun, en public ou en privé. L’exercice de cette liberté peut donc également revêtir un aspect collectif.
19. La liberté de religion ou de conviction englobe les droits permettant aux communautés d’accomplir « les actes indispensables aux groupes religieux pour mener leurs activités essentielles » [13]. Ces droits comprennent, entre autres, le droit à la personnalité juridique et à la non-ingérence dans les affaires intérieures, y compris le droit d’établir et d’entretenir des lieux de culte ou de réunion librement accessibles, la liberté de choisir et de former des responsables religieux ou le droit de mener des activités sociales, culturelles, éducatives et caritatives.
20. Aucun droit exclusif n’est conféré aux tenants d’une religion ou d’une conviction particulière : tous les droits, qu’ils soient relatifs à la liberté de croire ou de manifester sa religion ou sa conviction, sont universels et doivent être respectés sur une base non discriminatoire.
3. Le rôle essentiel des États pour garantir la liberté de religion ou de conviction
21. Les États doivent veiller à ce que leurs systèmes juridiques offrent à tous des garanties appropriées et effectives en matière de liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, sur l’ensemble de leur territoire, sans exclusion ni discrimination, et à ce que ces dispositions soient correctement appliquées.
22. Les États ont le devoir primordial de protéger tous les individus vivant sur leur territoire et relevant de leur juridiction, y compris les personnes ayant des convictions non théistes ou athées, les personnes appartenant à des minorités [14], et les populations autochtones [15], et de sauvegarder leurs droits. Les États doivent traiter de façon égale tous les individus, sans discrimination fondée sur leur religion ou leur conviction [16].
23. Les États sont tenus de mettre en place des mesures efficaces pour prévenir ou sanctionner, lorsqu’elles sont commises, les violations de la liberté de religion de conviction, et de faire en sorte que les auteurs de ces violations soient comptables de leurs actes.
24. En outre, les parties au PIDCP ont l’obligation d’interdire tout appel public à la haine religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence [17]. Les États devraient condamner tous les actes de violence et traduire en justice les auteurs de ces actes.
4. Lien avec la défense d’autres droits de l’homme et avec d’autres orientations de l’UE relatives aux droits de l’homme
25. La liberté de religion ou de conviction est intrinsèquement liée à la liberté d’opinion et d’expression, à la liberté d’association et de réunion ainsi qu’à d’autres droits de l’homme et libertés fondamentales, qui contribuent tous à l’établissement de sociétés pluralistes, tolérantes et démocratiques. L’expression d’une conviction religieuse ou non-religieuse, ou d’une opinion relative à une religion ou à une conviction, est également protégée par le droit à la liberté d’opinion et d’expression, qui est consacré par l’article 19 du PIDPC.
26. Certaines pratiques associées à la manifestation d’une religion ou d’une conviction, ou perçues comme telles, peuvent constituer des violations des normes internationales relatives aux droits de l’homme. Le droit à la liberté de religion ou de conviction est parfois invoqué pour justifier de telles violations. L’UE condamne fermement ce type de justifications, tout en demeurant pleinement déterminée à protéger et à promouvoir avec vigueur la liberté de religion ou de conviction partout dans le monde. Ces violations affectent souvent les femmes, les membres de minorités religieuses ainsi que certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
27. Les orientations existantes de l’UE en matière de droits de l’homme, notamment les orientations de l’UE pour la promotion et la protection des droits de l’enfant, les lignes directrices de l’UE sur les violences contre les femmes et la lutte contre toutes les formes de discrimination à leur encontre, les orientations concernant les défenseurs des droits de l’homme, la torture, la peine de mort ainsi que les orientations à venir sur l’exercice de tous les droits humains par les personnes LGBTI, et sur la liberté d’expression en ligne et hors ligne seront utilisées face à d’éventuelles violations.
B. Domaines d’action prioritaires
28. Lorsqu’elle traitera de la liberté de religion ou de conviction, l’UE accordera une attention particulière aux questions ci-après, qui revêtent toutes la même importance :
1. La violence
29. Les États ont l’obligation de garantir la protection des droits de l’homme, et d’agir avec diligence pour prévenir les actes de violences dirigés contre des personnes en raison de leur religion ou conviction, enquêter au sujet de ces actes et en punir les auteurs. La violence ou la menace de la violence – telle que les meurtres, les exécutions, les disparitions, la torture, les violences sexuelles, les enlèvements et les traitements inhumains ou dégradants – est un phénomène largement répandu auquel il faut s’attaquer. Ces actes de violence peuvent être commis par des acteurs étatiques ou non étatiques, en raison de la religion ou de la conviction réelle ou supposée des personnes visées ou en raison des principes liés à la religion, aux convictions ou à l’idéologie de leur auteur.
30. L’UE :
a. Condamnera publiquement l’exécution ou le meurtre de personnes et tout autre acte de violence grave fondé sur la religion ou la conviction. S’il y a lieu, l’UE envisagera également des sanctions supplémentaires.
b. Exigera que les auteurs étatiques ou non étatiques de ces violences répondent immédiatement de leurs actes et suivra les procédures judicaires nécessaires pour que justice soit faite.
c. Encouragera vivement l’État et d’autres acteurs influents de la société, qu’ils soient religieux ou non, à se prononcer contre les actes de violence et à dénoncer publiquement ces actes au plus haut niveau, notamment lorsque des responsables encouragent activement ou tolèrent les attaques dirigées contre des personnes ou des communautés ou contre les biens qui leur appartiennent, y compris les lieux de culte ou de réunion ou les sites religieux historiques.
d. Protestera lorsque des représentants de l’État ou des acteurs non étatiques influents diffusent des messages provocateurs sur les adeptes de certaines convictions religieuses ou autres, y compris les convictions théistes, non théistes ou athées, en particulier lorsque ces messages appellent ouvertement à la violence contre ces personnes ou la justifient.
e. Exigera que soient adoptées au niveau national des lois interdisant l’appel public à la haine religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence (article 20, paragraphe 2, du PIDCP).
f. Condamnera systématiquement toute violence dirigée contre les femmes et les filles, y compris les meurtres « d’honneur », les mutilations sexuelles féminines, les mariages précoces et forcés, ainsi que la violence dirigée contre des personnes en raison de leur orientation ou de leur identité sexuelle, y compris dans les cas où la violence est perpétrée au nom d’une prescription ou d’une pratique religieuse. L’UE encourage les initiatives, y compris l’adoption de dispositions législatives, pour prévenir ces actes de violence et les ériger en infraction.
2. La liberté d’expression
31. La liberté de religion ou de conviction et la liberté d’expression sont des droits interdépendants, étroitement liés et se renforçant mutuellement, qui protègent tous les individus - pas les religions ou les convictions en tant que telles - et qui couvrent également le droit d’exprimer des opinions sur une religion ou une conviction ou sur l’ensemble de celles-ci. La censure et les restrictions concernant la publication et la diffusion d’ouvrages ou de sites web liés à religion ou à la conviction constituent des violations courantes de ces deux libertés et portent atteinte à la capacité des individus et des communautés à pratiquer leur religion ou leur conviction. Les limitations du droit d’exprimer des opinions sur la religion ou la conviction sont une source de grande vulnérabilité pour les personnes appartenant à des minorités religieuses ou de conviction, mais affectent également des groupes majoritaires, en particulier les tenants de conceptions religieuses non traditionnelles. Associées l’une à l’autre, la liberté de religion ou de conviction et la liberté d’expression jouent un rôle important dans la lutte contre toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction.
32. Face à des menaces de violence, à des actes de violence ou à des restrictions imposées du fait de l’expression d’opinions sur une religion ou une conviction, l’UE sera guidée par les principes suivants :
a. Lorsque des critiques sont formulées sur des religions ou des convictions et que l’expression de ces critiques est perçue par les adeptes concernés comme étant si offensante qu’elle pourrait entraîner des actes de violence dirigés contre ces adeptes ou perpétrés par ceux-ci :
- si ces critiques constituent à première vue un discours de haine, c’est-à-dire qu’elles relèvent du cadre strict de l’article 20, paragraphe 2, du PIDCP (qui interdit tout appel à la haine religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence), l’UE les dénoncera et exigera qu’elles fassent l’objet d’une enquête et soient jugées par un juge indépendant.
- Si ces critiques n’atteignent pas le niveau d’incitation interdit par l’article 20 du PIDCP, et qu’elles relèvent par conséquent de l’exercice de la liberté d’expression, l’UE :
- i. s’opposera à toute demande ou tentative visant à ériger ces critiques en infraction ;
- ii. à titre individuel ou conjointement avec des États ou des organisations régionales, s’emploiera à publier des déclarations appelant à la non-violence et condamnant tout acte de violence commis en réaction à ces critiques ;
- iii. encouragera l’État et d’autres acteurs influents, religieux ou non religieux, à s’exprimer et à participer à un débat public constructif concernant ce qu’ils considèrent comme des propos offensants, en condamnant toute forme de violence ;
- iv. rappellera que le moyen le plus efficace de combattre ce qui est perçu comme une offense et qui résulte de l’exercice de la liberté d’expression, est l’utilisation de la liberté d’expression elle-même. La liberté d’expression s’exerce aussi bien en ligne qu’hors ligne [18]. Les nouveaux médias ainsi que les technologies de l’information et de la communication offrent à ceux qui se sentent offensés par des critiques à l’égard de leur religion ou de leur conviction ou par le rejet de celles-ci des outils leur permettant d’exercer de manière instantanée leur droit de réponse.
- En tout état de cause, l’UE rappellera, le cas échéant, que le droit à la liberté de religion ou de conviction, consacré par les normes internationales pertinentes, n’englobe pas le droit d’avoir une religion ou une conviction qui échappe à la critique ou à la dérision [19].
b. Face à des restrictions imposées à la liberté d’expression au nom d’une religion ou d’une conviction, l’UE :
- rappellera que les restrictions à la liberté d’expression ne peuvent être que celles qui sont prévues par la loi et qui sont nécessaires au respect des droits ou de la réputation d’autrui ou à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques [20], et qu’aucune restriction à la sécurité nationale n’est autorisée au nom de la liberté de religion ou de conviction [21].
- défendra le fait que l’échange d’informations sur les religions ou les convictions et la participation à des activités de persuasion en la matière sont protégés par le droit international, à condition que ces activités n’aient pas de caractère coercitif et n’entravent pas la liberté d’autrui ;
- rappellera à chaque occasion qui s’y prête que les lois érigeant le blasphème en infraction restreignent la possibilité de s’exprimer sur les convictions religieuses ou d’une autre nature ; que ces lois sont souvent appliquées pour persécuter, maltraiter ou intimider des personnes appartenant à des minorités religieuses ou autres et peuvent avoir un effet d’inhibition considérable sur la liberté d’expression et la liberté de religion ou de conviction ; et recommandera la dépénalisation de ces infractions ;
- s’opposera vigoureusement au recours à la peine de mort, aux châtiments corporels ou à la privation de liberté pour sanctionner le blasphème.
- rappellera que le droit international relatif aux droits de l’homme protège les individus et non une religion ou une conviction en tant que telle. La protection d’une religion ou d’une conviction ne peut être invoquée pour justifier ou excuser une restriction ou une violation d’un droit de l’homme exercé par un personne individuellement ou en commun.
3. La promotion du respect de la diversité et de la tolérance
33. La promotion de la tolérance religieuse, le respect de la diversité et la compréhension mutuelle sont de la plus haute importance pour créer un environnement propice au plein exercice de la liberté de religion ou de conviction par tous.
34. L’UE :
a. encouragera l’État et les autres acteurs influents, religieux ou non religieux, à ne pas attiser les tensions interconfessionnelles, que ce soit par la législation ou la pratique, à soutenir les initiatives pertinentes visant à favoriser un climat de respect et de tolérance entre tous les individus, quelle que soit leur religion ou leur conviction, et à désamorcer les tensions naissantes ;
b. invitera les États à promouvoir, à travers le système éducatif et par d’autres moyens, le respect de la diversité et la compréhension mutuelle en encourageant une plus grande connaissance de la diversité des religions et des convictions sur leur territoire ;
c. utilisera tous les outils disponibles, y compris les instruments financiers, pour promouvoir une culture du respect mutuel, de la diversité, de la tolérance, du dialogue et de la paix et, le cas échéant, agira à cette fin en coordination avec des organisations régionales et internationales ;
4. La discrimination
35. Les États ont le devoir de protéger toute personne relevant de leur juridiction contre la discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou la conviction, quelles que soient les raisons invoquées à l’appui de cette discrimination. Cela comprend le devoir d’abroger toute législation discriminatoire, de mettre en œuvre une législation protégeant la liberté de religion et de conviction, de faire cesser les pratiques officielles qui sont source de discrimination, et de protéger les personnes de la discrimination exercée par l’État et par d’autres acteurs influents, religieux ou non religieux.
36. Les convictions ou pratiques traditionnelles ou qui le sont prétendument sont souvent invoquées pour justifier la discrimination ou la coercition fondées sur la religion ou la conviction. Le refus fait aux femmes d’accéder à l’emploi ou à l’enseignement, l’enlèvement des futures mariées, le mariage précoce et le mariage forcé ou les mutilations génitales féminines en sont quelques exemples. Les communautés n’ont pas le droit de violer les droits des membres individuels qui les composent. Toute personne, y compris les femmes et les filles, a le droit d’adopter la religion ou la conviction de son choix, ce qui comprend le droit de ne pas avoir de religion ou de conviction. Il convient également d’être attentifs à la discrimination contre les groupes ethniques, contre les personnes en raison de leur orientation ou de leur identité sexuelle, ou contre les tenants de certaines interprétations doctrinales.
37. L’UE :
a. condamnera toutes les formes d’intolérance et de discrimination dirigées contre des personnes en raison de leur religion ou de leur conviction et prendra les mesures appropriées à cet effet (démarches, déclarations publiques, soutien aux organisations de la société civile (OSC) et aux défenseurs des droits de l’hommes etc.), ces formes d’intolérance et de discrimination étant contraires au droit à l’égalité et à la non-discrimination dans l’exercice des droits de l’homme (articles 2 et 26 du PIDCP, article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) ;
b. effectuera une démarche lorsque les dispositions constitutionnelles et juridiques d’un État favorisent, encouragent ou autorisent de telles discriminations. L’UE offre son assistance technique pour contribuer à la mise en conformité de ces dispositions avec les obligations juridiques internationales ;
c. prêtera une attention particulière à la législation et aux pratiques discriminatoires à l’égard des femmes, des enfants et des migrants en raison de leur religion ou de leur conviction, y compris la discrimination concernant l’enseignement ou le refus d’accès à l’enseignement, la coercition liée au port de symboles religieux, l’emploi, la participation à la vie publique, les inégalités en ce qui concerne les droits de la famille, la transmission de la nationalité, la libre circulation et l’établissement de la résidence, l’absence de justice impartiale, les droits patrimoniaux, etc ;
d. soutiendra les acteurs internationaux, les acteurs étatiques et les acteurs non étatiques dans les efforts qu’ils déploient pour sensibiliser la population aux normes juridiques internationales et aux effets destructeurs de la discrimination sur les victimes et sur le bien-être de la société dans son ensemble.
5. Changer de religion ou de conviction ou y renoncer
38. Les limitations du droit absolu de changer de religion ou de conviction ou d’y renoncer font partie des violations de la liberté de religion ou de conviction les plus courantes [22]. Ces limitations peuvent avoir des incidences graves sur les convertis et sur les personnes abandonnant leur religion ou leur conviction ainsi que sur leurs familles, tant en raison de mesures prises par l’État (par exemple, emprisonnement, perte du droit de garde des enfants, exhérédation, perte de droits patrimoniaux) qu’en raison d’actes violents, tels que les « crimes d’honneur », perpétrés par des acteurs non étatiques.
39. L’UE :
• demandera aux États d’abroger les dispositions juridiques qui pénalisent ou instaurent une discrimination contre les personnes qui abandonnent leur religion ou leur conviction ou en changent, ou qui incitent d’autres individus à changer de religion ou de conviction, notamment lorsque l’apostasie, l’hétérodoxie ou la conversion sont passibles de la peine de mort ou de longues peines d’emprisonnement [23] ;
• condamnera l’utilisation de mesures coercitives dirigées contre des individus en raison du choix ou de l’exercice d’une religion ou d’une conviction. Les États doivent appliquer de manière impartiale les mesures contre la coercition en matière de religion ou de conviction.
6. La manifestation d’une religion ou d’une conviction
40. Toute personne a le droit de décider pour elle-même si elle souhaite manifester sa religion ou sa conviction et comment elle entend le faire. Les limitations à cette liberté doivent être interprétées de manière stricte [24]. La manifestation d’une religion ou d’une conviction peut revêtir plusieurs formes. Elle englobe le droit pour les enfants d’apprendre à connaître la religion ou les convictions de leurs parents, et le droit pour les parents d’éduquer leurs enfants conformément aux principes de leur religion ou de leur conviction. Elle comprend également le droit de partager pacifiquement sa religion ou sa conviction avec autrui, sans être soumis à l’approbation de l’État ou d’une autre communauté religieuse. Toute limitation à la liberté de religion ou de conviction, y compris en ce qui concerne les lieux de culte et le recensement par l’État des groupes religieux ou de conviction doit être exceptionnel et conforme aux normes internationales.
41. Les restrictions souvent imposées par les États comprennent le refus d’accorder la personnalité juridique aux communautés religieuses ou de conviction, le refus de donner accès aux lieux de culte, de réunion et d’inhumation, la répression des activités religieuses non enregistrées par des amendes ou des peines d’emprisonnement exorbitantes ou l’obligation pour les enfants appartenant à des minorités religieuses ou de conviction de recevoir un enseignement religieux conforme aux convictions de la majorité. Un certain nombre d’États ne reconnaissent pas l’objection de conscience au service militaire comme un droit faisant partie de l’exercice légitime de la liberté de religion ou de conviction, qui découle de l’article 18 du PIDCP [25]. Les abus perpétrés par des acteurs non étatiques comprennent la destruction des lieux de culte, la profanation des lieux d’inhumation, l’observation forcée de règles religieuses et les actes de violence.
42. L’UE :
a. s’élèvera contre les tentatives visant à soumettre l’exercice des droits de l’homme à l’autorisation de l’État, par exemple en rendant obligatoire l’enregistrement des groupes religieux ou de conviction et/ou en interdisant les activités religieuses non enregistrées ;
b. prendra des mesures lorsque l’obligation faite aux groupes religieux ou de conviction de se faire enregistrer est utilisée comme moyen de contrôle étatique plutôt que pour faciliter l’exercice de la liberté de religion ou de conviction ;
c. encouragera les États à assurer la protection des sites du patrimoine religieux et des lieux de culte [26], notamment lorsque les groupes de personnes réunies dans ces lieux sont l’objet de menaces. En cas d’actes de vandalisme, de profanation ou de destruction de sites religieux, les missions de l’UE et des États membres s’efforcent de se rendre sur les sites en question et d’attirer l’attention du public sur les destructions et leurs conséquences ;
d. prendra des mesures lorsque les biens utilisés pour le culte religieux sont confisqués à tort ou que les individus sont empêchés par un autre moyen de les utiliser comme ils devraient l’être légitimement ;
e. prendra des mesures lorsqu’une charge administrative ou règlementaire disproportionnée est imposée aux affaires internes, aux institutions et aux organisations de groupes religieux ou de conviction en vue d’empêcher l’exercice de la liberté de religion ou de conviction « en commun, tant en public qu’en privé » [27], ainsi que l’exercice des libertés d’association et de réunion pacifique qui y sont liées.
f. condamnera toute législation prévoyant un traitement discriminatoire à l’égard de personnes ou de groupes adhérant à des religions ou des convictions différentes, ainsi que l’application discriminatoire à ces personnes et à ces groupes de dispositions législatives théoriquement neutres ;
g. encouragera les États à respecter le droit à l’objection de conscience au service militaire, fondé sur la religion ou les convictions, et à autoriser un service différent revêtant un caractère non combattant et civil.
7. Soutien et protection des défenseurs des droits de l’homme, y compris les cas individuels
43. Conformément aux Orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme, l’UE s’attachera à promouvoir le respect et la reconnaissance de l’action menée par les défenseurs des droits de l’homme au nom de groupes religieux, philosophiques, non confessionnels ou d’autres organisations de la société civile [28].
44. L’UE réagira aux violations du droit à la liberté de religion ou de conviction perpétrées par des acteurs étatiques ou non étatiques et affectant certains individus par des démarches, des déclarations et d’autres actions – y compris en abordant des cas spécifiques au cours de dialogues politiques — conformément aux Orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme.
45. Les représentants de l’UE ou des États membres assisteront aux procès des personnes persécutées pour avoir exercé leur droit à la liberté de religion ou de conviction et en observeront le déroulement. Ils mettront tout en œuvre pour rendre visite à ces personnes détenues ou emprisonnées.
8. Soutien à la société civile et dialogue avec celle-ci
46. L’UE affirmera clairement son soutien sans réserve aux efforts déployés par la société civile pour promouvoir la liberté de religion et de conviction. L’UE et ses États membres continueront, s’il y a lieu, à mettre une aide financière à la disposition d’organisations non gouvernementales œuvrant en faveur de la liberté de religion et de conviction. L’UE encouragera la visibilité des organisations locales actives dans le domaine de la liberté de religion et de conviction, en accueillant ou en soutenant des événements publics relatifs à ce sujet et en veillant tout particulièrement à y associer différents groupes religieux et de conviction. L’UE consultera régulièrement la société civile, y compris les associations religieuses et les organisations non confessionnelles et philosophiques sur les moyens de promouvoir la liberté de religion et de conviction dans ses politiques extérieures relatives aux droits de l’homme, et sur des cas individuels.
C. Outils
1. Contrôle, évaluation et rapports
47. Les missions de l’UE (délégations de l’UE et ambassades et consulats des États membres) jouent un rôle essentiel dans l’alerte rapide. Les missions de l’UE, en coordination avec les missions compétentes en matière de politique de sécurité et de défense commune, contrôleront le respect de la liberté de religion ou de conviction dans les pays tiers, recenseront les situations préoccupantes et établiront des rapports sur celles-ci (y compris les cas individuels et les questions systémiques), en s’appuyant sur les sources disponibles à l’intérieur et à l’extérieur du pays, y compris au sein de la société civile, de sorte que l’UE puisse prendre des mesures rapides et adéquates. Les rapports des délégations de l’UE devraient être examinés par les groupes de travail compétents du Conseil et, le cas échéant, par le Comité politique et de sécurité (CPS) afin de définir une action appropriée.
48. Grâce à sa présence sur place et aux moyens dont elle dispose au niveau de son administration centrale, l’UE :
a. contrôlera et évaluera la situation en matière de liberté de religion ou de conviction au niveau du pays, afin d’identifier les progrès réalisés et les sujets de préoccupation, en tenant compte des priorités et des thèmes abordés dans les présentes orientations ;
b. maintiendra le contact avec les parties concernées par des violations ou des conflits, avec les autorités locales et régionales, les organisations locales et internationales de la société civile, y compris les organisations de femmes, les défenseurs des droits de l’homme, ainsi qu’avec des groupes religieux ou de conviction, afin d’être parfaitement informée et au courant des situations spécifiques, y compris les cas individuels, les questions systémiques et les aspects liés à un conflit. Au cours de ces contacts, l’UE accordera une attention particulière aux groupes relevant d’un système de religion ou de conviction, aux femmes et aux jeunes ;
c. inclura dans les stratégies par pays dans le domaine des droits de l’homme et dans les rapports périodiques une analyse de la situation en matière de liberté de religion ou de conviction, en indiquant le nombre de violations commises ; présentera de façon détaillée toute mesure prévue ou prise en réaction à ces violations (par exemple, demandes adressées aux autorités de l’État, évocation de la question lors de dialogues politiques, financement) ;
d. assurera le suivi et établira des rapports sur les cas individuels et les questions systémiques ;
e. traitera de la question de la liberté de religion ou de conviction dans le rapport annuel de l’UE sur les droits de l’homme.
2. Démarches et diplomatie publique
49. L’UE abordera la question de la liberté de religion ou de conviction au cours de contacts de haut niveau appropriés, notamment au niveau du Haut Représentant / Vice-Président, du représentant spécial de l’UE pour les droits de l’homme et des chefs de délégation.
50. L’UE entreprendra, le cas échéant, des démarches ou formulera des déclarations publiques tant à titre préventif qu’en réaction à de graves violations de la liberté de religion ou de conviction, telles que les exécutions, les exécutions extrajudiciaires, les procès non équitables, les flambées de violences entre communautés ou les agressions violentes. Elle envisagera également la possibilité de faire des déclarations pour souligner les évolutions positives intervenues en matière de promotion et de protection de la liberté de religion ou de conviction.
3. Dialogues politiques
51. Lors des dialogues politiques avec les pays partenaires et les organisations régionales, l’UE encouragera les pays partenaires à adhérer aux instruments internationaux pertinents et à les mettre en œuvre, notamment le PIDCP, et à lever les réserves y relatives ; elle encouragera les pays partenaires à inviter les procédures spéciales des Nations unies relatives aux droits de l’homme, notamment le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, et à adhérer aux recommandations des Nations unies et à les mettre en œuvre, y compris celles émanant des organes de surveillance des traités et de l’examen périodique universel. L’UE examinera le cas échéant les questions systémiques et les cas individuels et invitera les pays partenaires à engager des modifications législatives afin de garantir l’égalité des individus devant la loi en ce qui concerne la liberté de religion ou de conviction.
52. L’UE aura recours aux dialogues politiques pour encourager les efforts de coopération et de coordination visant à promouvoir la liberté de religion ou de conviction dans les enceintes multilatérales et soutiendra la diffusion des bonnes pratiques au niveau régional.
4. Visites de l’UE et des États membres
53. L’UE veillera à ce que les représentants des institutions de l’UE et des États membres se rendant dans des pays tiers soient parfaitement informés de la situation qui y règne en matière de liberté de religion ou de conviction. Lors de ces visites, ils aborderont le cas échéant avec leurs homologues locaux les priorités et les thèmes que couvrent les présentes orientations et rencontreront des défenseurs des droits de l’homme.
5. Utilisation des instruments financiers extérieurs
54. La liberté de religion ou de conviction demeurera l’une des priorités de l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH), notamment dans le cadre du financement de projets menés par des défenseurs des droits de l’homme et de l’aide apportée à des personnes exposées à une menace immédiate. Le cas échéant, d’autres instruments de financement thématiques et géographiques de l’UE seront également utilisés pour promouvoir la liberté de religion ou de conviction en coopération avec les pays partenaires. Une attention particulière sera accordée au renforcement des capacités et aux projets de formation en matière de médiation dans le cadre de la prévention ou du règlement de violences et de conflits fondés sur la religion ou la conviction [29].
55. Les délégations de l’UE peuvent soutenir des projets de la société civile relatifs à la liberté de religion ou de conviction dans le cadre des programmes de soutien par pays. Les projets plus vastes en matière de droits de l’homme, qui portent sur la promotion des droits de l’homme, la non-discrimination, les droits des personnes appartenant à des minorités, les populations autochtones, le respect de la diversité, la tolérance et la compréhension interculturelle, ainsi que sur la lutte contre les causes profondes des conflits et la lutte contre l’impunité, contribueront également à protéger le droit à la liberté de religion ou de conviction.
56. Les États membres, le SEAE et les services de la Commission échangeront le cas échéant des informations sur des projets financés dans des pays tiers dans le domaine de la liberté de religion ou de conviction, afin de permettre une meilleure coordination et une utilisation plus efficace des ressources.
57. Les violations de la liberté de religion ou de conviction seront prises en considération par l’UE lorsqu’il s’agira de décider des mesures à prendre en vertu des clauses relatives aux droits de l’homme des accords conclus avec les pays tiers, y compris la suspension éventuelle de la coopération, notamment en ce qui concerne l’aide financière.
6. Promotion de la liberté de religion ou de conviction dans les enceintes multilatérales
58. L’UE veillera à ce que la liberté de religion ou de conviction demeure l’une des priorités des Nations unies, qui se caractérisent par une approche privilégiant les droits de l’homme, et à ce que les Nations unies continuent de réagir vigoureusement aux violations de la liberté de religion ou de conviction et aux actes d’intolérance et de violence perpétrés au nom d’une religion ou d’une conviction.
59. L’UE continuera d’œuvrer activement au sein des Nations unies pour assurer un soutien interrégional solide en faveur de la promotion et de la défense de la liberté de religion ou de conviction, du mandat du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction et de la mise en œuvre des résolutions pertinentes des Nations unies.
60. L’UE participera également à la lutte contre toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, à la mise en œuvre des résolutions pertinentes des Nations unies, ainsi qu’aux initiatives dans le domaine du dialogue interculturel et interreligieux, dans un esprit d’ouverture, de dialogue et de compréhension mutuelle, y compris dans le cadre de l’UNESCO, de l’Alliance des civilisations des Nations unies, de la Fondation Anna Lindh et du processus d’Istanbul.
61. L’UE estime que ces efforts viennent compléter l’action de défense pleine et effective du droit à la liberté de religion ou de conviction et, dans le cadre de ses contacts, l’UE veillera à ce qu’il soit fait référence de manière systématique à la « liberté de religion ou de conviction » et à faire prévaloir dans tous les textes une approche privilégiant les droits de l’homme, fondée sur des normes universelles liées à la liberté de religion ou de conviction, à la liberté d’expression et à d’autres libertés fondamentales. Il convient de promouvoir la tolérance religieuse ainsi que le dialogue interculturel et interreligieux dans une optique privilégiant les droits de l’homme, en assurant le respect de la liberté de religion ou de conviction, la liberté d’expression et d’autres droits de l’homme et libertés fondamentales.
62. L’UE continuera de coopérer avec les actuels mécanismes d’alerte rapide des Nations unies, y compris en ce qui concerne les violences fondées sur la religion ou la conviction, et encouragera l’échange de bonnes pratiques.
63. Les États membres de l’UE attireront l’attention, le cas échéant, sur la liberté de religion ou de conviction dans le cadre de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. La mise en œuvre des recommandations acceptées par l’État faisant l’objet de l’examen sera suivie et soutenue si nécessaire.
64. Dans ses relations bilatérales avec des pays partenaires, l’UE tirera également parti du contenu des résolutions des Nations unies relatives à la « liberté de religion ou de conviction », ainsi que des observations finales pertinentes des organes de surveillance des traités des Nations unies et des recommandations des rapporteurs spéciaux.
65. L’UE s’attachera à promouvoir des initiatives au niveau de l’OSCE et du Conseil de l’Europe et contribuera à une meilleure mise en œuvre des engagements pris dans le domaine de la liberté de religion ou de conviction. Des échanges réguliers auront lieu avec ces organisations. Il convient d’accorder une attention particulière au dialogue avec les pays de l’OSCE et du Conseil de l’Europe qui ne sont pas des États membres de l’UE.
66. L’UE intensifiera son dialogue avec d’autres organisations régionales et mécanismes régionaux relatifs aux droits de l’homme dans le monde en ce qui concerne la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction.
7. Formation
67. En coordination avec les États membres et en coopération avec la société civile, y compris les églises et les associations religieuses, les organisations philosophiques et non confessionnelles, le SEAE élaborera des matériels de formation à l’intention du personnel travaillant sur place et au siège. Ce matériel sera mis à la disposition des États membres et des institutions de l’UE. La formation aura une orientation pratique et visera essentiellement à permettre aux missions de l’UE d’utiliser de manière efficace les outils d’analyse et d’établissement de rapports, de façon à mettre en lumière les priorités thématiques de l’UE et à réagir aux violations.
III. Mise en œuvre et évaluation
68. L’UE renforcera encore sa coopération avec le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies et avec le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction. Elle collaborera avec des organisations internationales sur la liberté de religion ou de conviction et renforcera ses échanges avec les organismes régionaux spécialisés en matière de liberté de religion ou de conviction, tels que le Conseil de l’Europe (y compris la Commission de Venise), le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ainsi qu’avec les instances régionales et nationales chargées de la promotion et de la protection de la liberté de religion ou de conviction.
69. Le groupe « Droits de l’homme » et sa Task Force sur la liberté de religion ou de conviction soutiendront la mise en œuvre des orientations et feront intervenir le cas échéant des groupes géographiques du Conseil. Il élaborera des conseils supplémentaires à l’intention des missions de l’UE, notamment en ce qui concerne les questions systémiques et les cas individuels. Il adoptera le cas échéant des documents relatifs à la “position à adopter" sur les questions essentielles et les sujets d’actualité.
70. Le groupe « Droits de l’homme » évaluera la mise en œuvre des présentes orientations à l’issue d’une période de trois ans, notamment sur la base des rapports présentés par les Chefs de Mission et après consultation de la société civile et des experts compétents. La consultation de la société civile devrait mobiliser des défenseurs des droits de l’homme, des ONG, y compris des organisations nationales et internationales s’occupant de droits de l’homme et des organisations de femmes. À cette consultation seront associées des églises et des associations religieuses, des organisations philosophiques et non confessionnelles dans le cadre d’un dialogue ouvert, transparent et régulier qui se tiendra au titre de l’article 17 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
71. Des échanges de vues réguliers auront lieu avec les commissions, les sous-commissions et les groupes de travail compétents du Parlement européen sur la mise en œuvre, l’évaluation et le réexamen des présentes orientations.