À entendre certains détracteurs de ce mouvement religieux minoritaire, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) n’a jamais reconnu aux témoins de Jéhovah le statut de religion. Pourtant, une lecture attentive et objective des arrêts rendus par cette juridiction supranationale suffit à prouver le contraire. Prenons quelques exemples.
Dans son arrêt Enver Aydemir c. Turquie, la Cour s’est de nouveau penchée sur le cas du refus d’effectuer un service militaire pour des raisons de convictions religieuses. En l’espèce, il s’agit d’un ressortissant Turc qui « refuse, en tant que musulman, d’effectuer le service militaire obligatoire qui est contraire à ses convictions religieuses mais il était prêt à accomplir un service civil de remplacement ». Rappelant sa jurisprudence, la Cour fait observer que dans les affaires Bayatyan (n° 23459/03, 7 juillet 2011), Erçep c. Turquie (n° 43965/04, 22 novembre 2011), Feti Demirtaş (n° 5260/07, 17 janvier 2012), et Buldu et autres c. Turquie (n° 14017/08, 3 juin 2014), où elle a conclu « à la violation de l’article 9, il s’agissait de requérants qui faisaient partie des témoins de Jéhovah, groupe religieux dont les croyances comportent la conviction qu’il y a lieu de s’opposer au service militaire » [1]. Ainsi, la Cour qualifie le mouvement des témoins de Jéhovah de groupe religieux. Précisons aussi que les témoins de Jéhovah, bien que refusant d’effectuer le service militaire obligatoire, sont prêts à accomplir un service civil de remplacement.
Dans son arrêt Association de solidarité avec les témoins de Jéhovah et autres c. Turquie, la Cour réaffirme avec force « que le libre exercice du droit à la liberté de religion des témoins de Jéhovah est protégé par l’article 9 de la Convention » [2]. La CEDH parle bien de la liberté de religion des témoins de Jéhovah !
Dans son arrêt de Grande Chambre İzzettin Doğan et autres c. Turquie, qui ne concerne pas le culte des témoins de Jéhovah, la Cour fait notamment référence à trois arrêts qu’elle a rendus en matière de taxation des dons manuels [3]. Elle rappelle que dans ces « trois affaires contre la France, la Cour a également reconnu que des mesures prises par des autorités françaises (taxation des dons manuels) visant la pratique et les lieux de culte de la religion en cause s’analysaient en une ingérence dans l’exercice des droits protégés par l’article 9 de la Convention » [4]. La CEDH utilise clairement le terme de « religion » !
Dans son arrêt Begheluri et autres c. Géorgie, concernant l’agression de témoins de Jéhovah de Géorgie, la Cour a estimé que les autorités compétentes avaient manqué à leur devoir de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux témoins de Jéhovah le respect de leur « liberté de religion » et de la pratique de « leur religion » [5]. La Cour souligne aussi que les attaques violentes étaient « motivées par une attitude sectaire à l’égard de la communauté des Témoins de Jéhovah » et que les autorités du pays ont témoigné de « ce même état d’esprit discriminatoire ».
Dans son arrêt Association Les Témoins de Jéhovah c. France, la Cour affirme explicitement que « le libre exercice du droit à la liberté de religion des témoins de Jéhovah est protégé par l’article 9 de la Convention » [6]. Dans ce même arrêt, la Cour souligne que « l’emploi de termes péjoratifs à l’égard d’un mouvement religieux constituent des exemples d’ingérences dans le droit garanti par l’article 9 de la Convention, dans sa dimension extérieure et collective, à l’égard de la communauté elle-même mais également de ses membres » [7].
Dans deux arrêts relatifs à l’attribution de la garde d’enfants, la CEDH a jugé que les tribunaux des pays concernés avaient opéré entre les parents une différence de traitement reposant sur leur appartenance religieuse. Qualifiant ce traitement de discriminatoire, elle a estimé qu’« on ne saurait tolérer une distinction dictée pour l’essentiel par des considérations de religion » [8], constatant qu’il existait « entre les parents une différence de traitement reposant sur la religion de la requérante » [9].
Dans son arrêt Manoussakis et autres c. Grèce, la Cour relève que « la confession des Témoins de Jéhovah remplit, dans l’ordre juridique grec, les conditions d’une “religion connue” » [10]. Toujours concernant la Grèce, la Cour, dans son arrêt Kokkinakis c. Grèce, relève que les Témoins de Jéhovah sont une « religion connue » [11].
Bien que non exhaustives, ces quelques citations tirées d’arrêts de la CEDH démontrent parfaitement que cette dernière qualifie le mouvement des témoins de Jéhovah de religion.
Olex.