Droit international

Espagne : El Mundo condamné à publier un droit de réponse des Témoins de Jéhovah
TPI Torrejón de Ardoz, 2 octobre 2023

- Modifié le 27 mars

Le journal El Mundo a été condamné par le Tribunal de première instance n° 1 de Torrejón de Ardoz en Espagne à insérer un droit de réponse de l’association des Témoins de Jéhovah à la suite d’un article publié en novembre 2022.

À cette fin, sa décision du 2 octobre 2023 a constaté que l’article litigieux a reproduit des allégations erronées d’anciens membres, ce qui « a généré des dommages vérifiables » aux fidèles.

Assemblée régionale des Témoins de Jéhovah à Barcelone en 2018
(Mabafe83 – CC By-SA)

Examinant en premier lieu les dommages provoqués, le jugement a relevé que « le titre même de l’article contenait le mot “secte”, terme qui revêt des connotations négatives manifestes, quelle que soit la religion ainsi qualifiée ». De plus, les histoires racontées par l’Association des Victimes des Témoins de Jéhovah sont considérées comme « objectivement nuisibles à la réputation et à la crédibilité » de l’organisation religieuse.

Aussi a-t-il conclu qu’« à tout point de vue, l’article relaie les allégations de tiers qui portent indéniablement atteinte à ladite association religieuse ».

Vérifiant ensuite les accusations portées dans l’article contre la plaignante, le tribunal a reproché au quotidien madrilène d’avoir utilisé les expressions « secte » et « dérives sectaires » au sujet des Témoins de Jéhovah, alors que cette minorité religieuse est enregistrée dans le Registre des entités religieuses tenu par le ministère de la Justice. Il s’agit donc d’« une confession légitimement reconnue dans notre pays, au même titre que les autres ».

« D’un point de vue légal, il est erroné de classer l’organisation plaignante dans la catégorie des sectes puisque, dans le contexte dudit article, ceci lui confère un caractère pernicieux et nuisible qui contraste avec les autres confessions religieuses légalement constituées en Espagne. »

Après un examen attentif, toute la partie de l’article sur les abus sexuels a été jugée inexacte et nuisible à la perception du mouvement par l’opinion publique. D’une part, il n’apparaît aucune condamnation de l’organisation religieuse dans son ensemble pour les affaires d’abus sexuels en Australie. Il est donc incorrect de prétendre que ces faits auraient été dissimulés.

« D’autre part, pour ce qui est des cas spécifiques d’abus sexuels présumés, le véritable enjeu n’est pas de statuer sur la véracité des faits (en réalité, aucune preuve d’une quelconque condamnation faisant suite à ces allégations n’a été apportée, si tant est qu’elle existe), mais bien de relever que le recours systématique au pluriel et au nom collectif fait porter la responsabilité des “abus sexuels perpétrés au sein du groupe” à l’organisation religieuse dans son ensemble, plutôt qu’aux individus à l’origine de chaque abus ou agression sexuelle présumée. »

Ensuite, est abordée la question de la mise à l’écart, qualifiée d’« ostracisme », des membres excommuniés ou se séparant volontairement de l’organisation, qui les conduirait à « la mort sociale » ou à « un enfer silencieux ». Le juge espagnol a déclaré fausse l’assertion selon laquelle « à l’intérieur de la secte, ils sont explicitement ou implicitement contraints de ne fréquenter que des coreligionnaires ».

Quant aux graves accusations de l’article prétendant que « de nombreux anciens [i.e. responsables religieux, ndlr] sont soit adultères, soit pédophiles » et que les Témoins de Jéhovah « poussent au suicide physique et moral », le tribunal a jugé qu’une fois de plus ces allégations « ne sont étayées par aucun fondement objectif et crédible ». En outre, elles sont qualifiées d’« inexactes et extrêmement préjudiciables au prestige de l’entité plaignante ».

Tandis qu’El Mundo plaidait la responsabilité exclusive de l’auteur des propos diffamatoires, c’est-à-dire l’Association des Victimes des Témoins de Jéhovah, le jugement a rappelé que les médias sont responsables des contenus qu’ils diffusent, y compris les propos de tierces parties, qu’ils ne peuvent reprendre sans réserve. Et d’expliquer :

« Il ne s’agit pas ici de réfuter ou de censurer des opinions, mais de sanctionner par la loi les faits erronés ou indiscutablement faux qui les sous-tendent. »

Le journal a été condamné à publier le droit de réponse et à rembourser les frais de justice à la plaignante.