Droit administratif

La Miviludes encore condamnée à corriger une publication

TA Paris, 21 février 2025

- Modifié le 5 avril

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) commence à avoir l’habitude des correctifs à apporter à ses publications, en raison d’informations inexactes ou non vérifiées.

Le juge administratif lui a ainsi ordonné de supprimer à tour de rôle :

  • la mention de la « médecine anthroposophique » du guide Santé et dérives sectaires publié en avril 2012 [1],
  • les paragraphes relatifs à la méthode de « résonance énergétique par stimulation cutanée » de son rapport annuel pour 2015 [2],
  • et, plus récemment, plusieurs passages visant les Témoins de Jéhovah de son rapport 2018-2020 [3].

Cette fois-ci, la société Interstyl et plusieurs personnes ont contesté le refus de la Miviludes de supprimer les passages du rapport d’activité pour l’année 2021 assimilant le kibboutz de Malrevers à une dérive sectaire, du fait que ce mouvement est issu de la communauté parisienne « La Famille », dont il s’est séparé dans les années 1960.

Le Tribunal administratif de Paris a rendu son jugement le 21 février 2025.

Tribunal administratif de Paris
Salle d’audience du Tribunal administratif de Paris
(Aroche – CC By-SA)

En ce qui concerne les paragraphes litigieux, il estime que « la Miviludes s’est bornée à rapporter soit des éléments factuels, soit l’existence de témoignages et de reportages qui attirent l’attention sur le kibboutz de Malrevers, sans porter d’appréciation sur leur bien-fondé ».

Dès lors, ils « ne peuvent être regardés comme susceptibles d’influer de manière significative sur les comportements du public auquel s’adresse ce rapport ou de produire des effets notables pour les requérants ». D’où l’irrecevabilité de cette partie de la demande.

En revanche, en intitulant la section dédiée au kibboutz de Malrevers « Les dérives sectaires constatées au sein des branches dissidentes », la mission a porté une appréciation sur le fonctionnement du kibboutz.

Or, selon la définition donnée par la Miviludes, la dérive sectaires se caractérise par « la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société [4] ».

Par conséquent, le tribunal en déduit la recevabilité de cette demande de suppression :

« Cette appréciation, qui traduit une prise de position, est de nature à influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles le rapport s’adresse et à faire grief aux requérants en leur qualité de membres du kibboutz et la société Interstyl dont la gestion et le fonctionnement sont assurés par les membres du kibboutz. »

Le contenu est ensuite analysé pour vérifier si l’utilisation de l’expression « dérives sectaires » est justifiée :

« Il ressort de ce qui a été dit […] que les paragraphes concernant le kibboutz de Malrevers […] ne font pas état d’éléments précis, étayés et documentés de nature à établir que le kibboutz présente les caractéristiques d’une dérive sectaire selon la définition donnée par la Miviludes ».

En l’absence d’élément « permettant de motiver la qualification de dérive sectaire donnée au kibboutz de Malrevers » dans le rapport annuel, le jugement conclut que les requérants sont fondés à demander l’annulation de la décision de la Miviludes refusant de supprimer les termes « Les dérives sectaires constatées » à leur sujet.

Il est donc enjoint au ministre de l’Intérieur de procéder à la suppression des termes « Les dérives sectaires constatées » du titre de la page 82 du rapport d’activité 2021 de la Miviludes, dans un délai de quinze jours. De plus, l’État doit verser 1 800 € aux requérants sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les modifications du dernier rapport annuel de la Miviludes (ceux pour les années 2022, 2023 et 2024 n’étant pas encore publiés) sont loin d’être terminées, puisque les Témoins de Jéhovah l’ont également contesté [5] et une requête similaire de la société Atypikoo vient d’être transmise au Tribunal administratif de Paris [6].