La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) continue de juger les affaires concernant la Fédération de Russie pour toutes les actions et omissions commises avant le 16 septembre 2022, date à laquelle elle a cessé d’être une partie contractante de la Convention, après son exclusion et retrait simultanés du Conseil de l’Europe [1].
Hélas, les autorités russes ne respectent plus les décisions de la juridiction européenne depuis longtemps, d’autant plus qu’une loi a été adoptée dès 2015 par le parlement russe pour subordonner l’application de ses arrêts à l’appréciation de la Cour constitutionnelle [2].
Le 18 juillet 2024, un nouvel arrêt a été rendu par un comité de trois juges dans le cadre de la persécution des Témoins de Jéhovah en Russie, depuis l’interdiction de leur culte en 2017 [3]. En effet, une telle formation restreinte peut statuer à l’unanimité sur le fond d’une affaire, pour laquelle il existe déjà « une jurisprudence bien établie » de la Cour européenne.
Dans l’affaire Polyakovy et autres c. Russie, plusieurs requêtes ont été déposées entre 2018 et 2020 par des fidèles, poursuivis simplement pour avoir continué de pratiquer leur religion et mis abusivement en détention provisoire. Des descentes ont également été menées chez quelques-uns d’entre eux, pour fouiller leur domicile et confisquer leurs publications religieuses, leurs appareils électroniques personnels, etc.
Abordant en premier lieu la violation de l’article 3 (interdiction de la torture) de la Convention, l’arrêt s’appuie sur les « affaires phares » à propos de l’usage de cages de métal dans les salles d’audience, telles que Svinarenko et Slyadnev c. Russie examinée par la Grande chambre [4], afin d’établir « qu’une telle pratique constitue en soi une atteinte à la dignité humaine et s’analyse en un traitement dégradant interdit par l’article 3 de la Convention ». Après avoir pris en compte tous les éléments du dossier, les juges européens concluent :
« Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce l’enfermement des requérants dans une cage métallique devant le tribunal pendant la procédure pénale à leur encontre s’analyse en un traitement dégradant ».
Quant aux autres points pour lesquels il existe « une jurisprudence bien établie », le comité les regroupe dans un même paragraphe en renvoyant à trois arrêts de chambre, qui ont reconnu la violation de dispositions de la Convention pour des griefs similaires contre la Russie.
En particulier, dans l’affaire Taganrog LRO et autres c. Russie [5], qui est mentionnée par ailleurs parmi les « arrêts importants » prononcés contre la Russie [6], la CEDH a vu dans « les poursuites pénales arbitraires contre les requérants pour avoir pratiqué pacifiquement la religion des Témoins de Jéhovah en communauté avec d’autres » une atteinte à la liberté de religion, protégée par l’article 9 de la Convention [7].
La Cour européenne a donc condamné la Fédération de Russie sur la base des articles 3 (traitements dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté) et 9 (liberté de religion) de la Convention pour l’ensemble des 19 requérants, ainsi que l’article 8 (respect du domicile) pour la perquisition et la saisie de biens au domicile de certains d’entre eux.
Elle a accordé à 16 requérants un montant de 9 750 € chacun pour préjudice moral, estimant pour les 3 autres que la constatation d’une violation constitue une satisfaction équitable suffisante.