Avis

Avis sur l’exercice du culte dans les prisons et agrément d’aumôniers
Contrôleur général des lieux de privation de liberté, 24 mars 2011

- Modifié le 4 mai

Avec courage et franchise dans le contexte actuel, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dénonce les discriminations rencontrées par certains croyants dans les prisons françaises. D’abord révélé sur le site web de L’Express et commenté par la presse, son avis du 24 mars 2011 a été publié au Journal officiel le 17 avril 2011.

Ce texte, qui a volontairement été rendu public en dehors du débat politique sur la laïcité, souligne d’abord l’article 26 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire :

« Les personnes détenues ont droit à la liberté d’opinion, de conscience et de religion. Elles peuvent exercer le culte de leur choix, selon les conditions adaptées à l’organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l’établissement. »

S’il ne cite aucune religion nommément, l’un des paragraphe vise clairement les difficultés rencontrées par les ministres du culte des Témoins de Jéhovah, comme le confirme le choix de la jurisprudence qui les concerne exclusivement :

« D’une part, si elle n’a évidemment pas à déterminer elle-même quel groupement ou confession prétendue a ou non le caractère d’un culte, elle doit se plier à la reconnaissance par le juge du caractère cultuel de personnes morales dès lors qu’elles ont été qualifiées comme tel. A titre d’illustration, il en va ainsi de l’une d’elles dont le juge a qualifié non seulement d’exercice public d’un culte certaines activités auxquelles elle se livrait (cour administrative d’appel de Lyon, 18 janvier 1990), mais a reconnu à certains de ses regroupements le caractère d’association cultuelle (Conseil d’Etat, section, 23 juin 2000, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, n° 215 109), au sens du titre IV de la loi du 9 décembre 1905, comme l’ont fait aussi des organismes administratifs (par exemple la Commission consultative des cultes, séance du 26 octobre 2001). Ces décisions l’emportent évidemment sur l’orientation « sectaire » que l’on a attribuée, antérieurement, à des manifestations de ce même culte. »

Ce rappel du caractère cultuel validé par les juridictions administratives remet en cause le refus persistent de l’administration pénitentiaire d’agrémenter les aumôniers de ce mouvement chrétien. En fait, il applique simplement la décision du 22 février 2010 de la HALDE et les 14 jugements de tribunaux administratifs prononcés en faveur des Témoins de Jéhovah depuis 2007.

Quant aux arguments sur le nombre insuffisant de demandes ou sur la possibilité de créer un statut intermédiaire de « visiteur cultuel », son rapport les exclut au nom du principe de laïcité qui s’impose aux établissements pénitentiaires :

« D’autre part, l’administration ne peut davantage, au motif qu’une religion est minoritaire, donner un statut minoré aux aumôniers. Dès lors qu’une religion est regardée comme telle par le droit applicable, ses aumôniers doivent pouvoir disposer, comme tous les autres aumôniers, de prérogatives identiques et ne sauraient être cantonnés, par exemple dans les établissements pénitentiaires, à un statut de visiteur, qui conduit à une « religion du parloir » [...] Telle est la seule interprétation possible des textes, [...] sauf à imaginer précisément que, dès lors que le caractère de culte est reconnu à des activités de cette personne morale, l’administration, abandonnant le principe de laïcité qui devrait trouver ici son plein exercice, s’érige en autorité responsable de l’appréciation de savoir quels cultes peuvent être admis et avec quelles prérogatives dans les lieux de privation de liberté. »