Résumé juridique

CEDH, Kokkinakis c. Grèce, 25 mai 1993, n° 14307/88
Article 9 (Liberté de religion)

Article 9 Article 9-1
Liberté de religion
Manifester sa religion ou sa conviction


Condamnation d’un témoin de Jéhovah pour prosélytisme : violation.
I. ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

A. Principes généraux

Liberté de pensée, de conscience et de religion : une des assises d’une « société démocratique » au sens de la Convention ; un des éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents.

La liberté religieuse implique celle de « manifester sa religion », non seulement de manière collective, « en public » et dans le cercle de ceux dont on partage la foi, mais aussi « individuellement » et « en privé » ; elle comporte en principe le droit d’essayer de convaincre son prochain.

Le caractère fondamental des droits garantis par l’article 9 se traduit aussi par le mode de formulation de la clause relative à leur restriction : à la différence du second paragraphe des articles 8, 10 et 11, qui englobe l’ensemble des droits mentionnés en leur premier paragraphe, celui de l’article 9 ne vise que la « liberté de manifester sa religion ou ses convictions ».

Nécessité d’assortir parfois cette liberté de limitations propres à concilier les intérêts des divers groupes religieux et d’assurer le respect des convictions de chacun.

B. Application de ces principes

Ingérence dans l’exercice du droit du requérant à la « liberté de manifester sa religion ou ses convictions », résultant de la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Lassithi et réduite par la cour d’appel de Crète.

1. « Prévue par la loi »

Article 4 de la loi n° 1363/1938 complété par une jurisprudence constante des juridictions grecques, publiée et accessible.

2. But légitime

Protection des droits et libertés d’autrui.

3. « Nécessaire dans une société démocratique »

Indispensable de distinguer le témoignage chrétien du prosélytisme abusif : le premier correspond à la vraie évangélisation, le second en représente la corruption ou la déformation qui ne s’accorde pas avec le respect dû à la liberté de pensée, de conscience et de religion d’autrui.

Critères retenus par l’article 4 : acceptables dans la mesure où ils ne visent à réprimer que le prosélytisme abusif - définir in abstracto ce dernier ne s’impose pas en l’espèce.

Responsabilité du requérant établie par des motifs se contentant de reproduire les termes de l’article 4, sans préciser suffisamment en quoi l’intéressé aurait essayé de convaincre son prochain par des moyens abusifs ; aucun des faits relatés par les juridictions grecques ne permet de le constater.

Condamnation non justifiée par un besoin social impérieux.

Conclusion : violation (six voix contre trois).

II. ARTICLE 7 DE LA CONVENTION

Prohibition de l’application rétroactive du droit pénal au détriment de l’accusé - principe de la légalité des délits et des peines - principe qui commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l’accusé, notamment par analogie.

En l’espèce, requérant en mesure de savoir, à partir du libellé de la clause pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, les actes engageant sa responsabilité.

Conclusion : non-violation (huit voix contre une).

III. ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

Absence de nécessité d’étudier le grief.

Conclusion : non-lieu à examen (unanimité).

IV. ARTICLE 14 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Absence de nécessité de connaître du grief.

Conclusion : non-lieu à statuer (unanimité).

V. ARTICLE 50 DE LA CONVENTION

A. Dommage moral : octroi d’une indemnité.

B. Frais et dépens (devant les juridictions nationales et les organes de la Convention) : remboursement.

Conclusion : État défendeur tenu de payer certaines sommes au requérant (unanimité).

Références

Ce sommaire est tiré du recueil officiel de la Cour (série A ou Recueil des arrêts et décisions) ; par conséquent, il peut présenter des différences de format et de structure par rapport aux sommaires de la Note d’information sur la jurisprudence de la Cour.

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Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.