CAA Versailles, 11 février 2010
Lieu de culte - Permis de construire -

- Modifié le 18 novembre 2023

Cour Administrative d’Appel de Versailles

N° 08VE01847

Inédit au recueil Lebon

2e Chambre

M. FRYDMAN, président

M. Hubert LENOIR, rapporteur

Mme KERMORGANT, rapporteur public

GONI, avocat(s)

lecture du jeudi 11 février 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2008 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES, dont le siège social est situé 5, rue de l’Abreuvoir des Cordeliers, à Etampes (91150), par Me Goni ; l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0606258 du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 5 mai 2006 du maire d’Étampes lui refusant la délivrance d’un permis de construire ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) d’enjoindre au maire d’Etampes de statuer sur sa demande de permis de construire dans un délai de 30 jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune d’Etampes le versement d’une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L’association soutient que :

 la décision attaquée n’a pas été signée par une autorité régulièrement habilitée ;

 le refus qui lui a été opposé méconnaît les dispositions de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme dans la mesure où un certificat d’urbanisme positif lui avait été délivré le 20 juin 2001 ;

 c’est à tort que le maire d’Etampes a considéré que la configuration des accès à la construction projetée était de nature à porter atteinte aux règles de sécurité en matière de circulation ;

 le maire ne pouvait invoquer une telle atteinte dès lors que la circulation et l’accès des véhicules de lutte contre l’incendie sont préservés et que la réglementation n’implique pas que les bâtiments du type de celui dont la construction est envisagée soient accessibles aux engins de secours ;

 les dispositions de l’article UE 3 du règlement du plan d’occupation des sols ont été respectées ;

 la commune n’est pas fondée à se prévaloir de la circonstance que le tribunal administratif aurait, dans le jugement du 21 février 2006, écarté les autres moyens susceptibles de justifier une annulation ;

 il n’y a pas eu méconnaissance de l’article UE 11 du règlement du plan d’occupation des sols ;

 la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 janvier 2010 :

 le rapport de M. Lenoir, président assesseur,

 les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

 et les observations de Me Dupuis, substituant Me Cazin, pour la commune d’Etampes ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la commune d’Etampes le 29 janvier 2010 ;

Considérant que l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES a sollicité auprès de la commune d’Etampes, le 8 avril 2002, la délivrance d’un permis de construire l’autorisant à édifier, sur une parcelle de 5 992 m2 située au lieu-dit Plaine du Petit Saint-Mars , classée en zone UE du plan d’occupation des sols de la commune, un édifice à vocation cultuelle ; que ce projet prévoyait la réalisation d’un bâtiment sans étage d’une superficie hors œuvre nette de 300 m2 et d’un parc de stationnement d’une superficie de 1 120 m2 comprenant 50 emplacements ; que cette demande a été implicitement rejetée ; que, saisi par l’association requérante d’une demande d’annulation de ce refus, le Tribunal administratif de Versailles a, par un jugement du 21 février 2006 devenu définitif, fait droit à cette demande aux motifs que la décision en cause était insuffisamment motivée et entachée de détournement de pouvoir ; que, par ce même jugement, le tribunal administratif a enjoint à la commune d’Etampes de statuer à nouveau sur la demande de l’association ; que, par une décision en date du 5 mai 2006, le maire d’Etampes a, en se fondant sur la méconnaissance des règles de la zone UE du plan d’occupation des sols en matière de sécurité et sur la non-conformité aux dispositions de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme alors en vigueur de la desserte de l’édifice projeté, expressément rejeté la demande dont la commune avait été saisie le 8 avril 2002 ; que l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES relève appel du jugement du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision ;

Sur la recevabilité des mémoires présentés au nom de la commune d’Etampes :

Considérant que, par deux délibérations en date des 24 octobre 2001 et 15 mars 2008, le conseil municipal d’Etampes a autorisé son maire à intenter les actions en justice présentées au nom de la commune ou à défendre dans les instances où elle serait mise en cause ; que, par suite, les mémoires présentés devant la Cour par le maire d’Etampes agissant au nom de la commune sont recevables ;

Sur la légalité de la décision du 5 mai 2006 :

S’agissant de la légalité externe :

Considérant que la décision attaquée a été signée par M. Guy Courtial, maire-adjoint délégué à l’urbanisme ; que, par un arrêté en date du 6 septembre 2004, le maire d’Etampes a donné à celui-ci délégation de fonctions dans le domaine du Cadre de vie et de l’Environnement et dans le domaine de l’Urbanisme comportant la signature des constats, procès-verbaux, et rejets qui y sont relatifs ; que, dans les termes où elle est rédigée, cette délégation ne permettait pas à M. Courtial de signer des décisions de refus de permis de construire ; que, par suite, l’association requérante est fondée à soutenir que la décision qu’elle critique, signée par une autorité qui n’a pas été régulièrement habilitée pour ce faire, est entachée d’incompétence ;

S’agissant de la légalité interne :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée est intervenue : Le permis peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l’importance ou à la destination de l’immeuble ou de l’ensemble d’immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l’utilisation des engins de lutte contre l’incendie. Il peut également être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l’intensité du trafic (...) ; qu’aux termes de l’article UE 3 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune d’Etampes : 1. Règles générales : Pour être constructible, un terrain doit avoir un accès à une voie publique ou privée ouverte à la circulation automobile et en état de viabilité. Les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l’incendie et de la protection civile (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que l’implantation du lieu de culte envisagé par l’association aura pour effet, sur la portion de voie considérée, laquelle a une longueur de soixante mètres et une largeur minimale de quatre mètres, selon les plans communiqués par la requérante en appel et non contestés par la commune, de générer, deux à trois fois par semaine en fonction des réunions et des offices, un trafic d’une cinquantaine de véhicules circulant dans le même sens ; qu’ainsi, compte tenu de la largeur de la voie, de sa faible fréquentation et des caractéristiques du trafic ainsi occasionné, le motif tiré des modalités de la desserte du lieu de culte projeté n’est pas de nature à justifier le refus opposé par le maire sur le fondement des dispositions précitées de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, notamment de l’avis du service départemental de lutte contre l’incendie, et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté par la commune, que les accès à la construction envisagée ne sont de nature ni à entraver le passage des engins de lutte contre l’incendie, ni à représenter un danger pour la sécurité des usagers des voies publiques et des fidèles ;

Considérant, en troisième lieu, que la commune d’Etampes avait demandé, devant les premiers juges, qu’il soit procédé à une substitution de motifs en faisant valoir que la toiture de la construction envisagée aurait une pente de 70 degrés et méconnaîtrait ainsi les prescriptions de l’article UE 11 du règlement du plan d’occupation des sols, qui imposent la réalisation d’une pente comprise entre 35 et 50 degrés ; qu’il ressort, toutefois, des pièces du dossier, notamment du plan de masse fourni à l’appui de la demande de permis de construire, que la pente de la construction envisagée est non de 70 degrés, comme le soutient la commune d’Etampes, mais de 70 pour cent, soit 36 degrés ; que, dès lors, le nouveau motif ainsi invoqué par la commune pour justifier le refus de délivrer le permis sollicité manque en fait ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES est fondée, par les différents moyens ainsi invoqués, seuls de nature, en l’état du dossier, à justifier l’annulation de la décision critiquée, à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. ;

Considérant que l’exécution du présent arrêt implique que la commune d’Etampes procède au réexamen de la demande de permis de construire déposée par l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES ; qu’il y a lieu, en conséquence, d’enjoindre à la commune d’Etampes de procéder à ce réexamen et d’assortir cette injonction d’une astreinte de 150 euros par jour de retard, en l’absence d’intervention d’une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune d’Etampes de la somme demandée par cette dernière au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu’il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune d’Etampes le versement à l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES d’une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du 8 juillet 2008 du Tribunal administratif de Versailles et la décision du 5 mai 2006 du maire d’Etampes refusant la délivrance d’un permis de construire à l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune d’Etampes de procéder au réexamen de la demande de permis de construire déposée par l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES le 8 avril 2002 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Article 3 : Il est mis à la charge de la commune d’Etampes le versement à l’ASSOCIATION LOCALE POUR LE CULTE DES TEMOINS DE JEHOVAH D’ETAMPES d’une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.