Question de droit

Les Témoins de Jéhovah font-ils pression sur les patients dans les hôpitaux ?
Association de patients - Trouble à l’ordre public - Consentement éclairé

- Modifié le 30 mai 2016

Ne pouvant plus reprocher aux Témoins de Jéhovah de choisir de se faire soigner sans transfusion sanguine, la liberté fondamentale de consentir ou non à un traitement médical étant défendue par le droit français et européen, la Miviludes s’attaque désormais à leurs comités de liaison hospitaliers (CLH) qu’ils accusent de troubler l’ordre public. La mission interministérielle prétend également que leur consentement ne serait pas libre et éclairé en raison de pressions qui seraient exercées au sein de la communauté.

Comme le souligne avec un ton ironique un ouvrage préparé en collaboration entre un médecin et une magistrate, qui connaissent bien ce genre d’affaires délicates mettant en cause le droit des patients :

« Il faut donc comprendre que les personnes qui acceptent tous les soins sans se plaindre [...] ne sont, elles, nullement victimes des dogmes et pressions du monde médical ou de leur entourage bienveillant... On sait pourtant que beaucoup de médecins n’apprécient pas particulièrement les patients qui refusent leurs diktats. » (1)

D’une part, ces chrétiens bénévoles se déplacent seulement à la demande expresse d’un patient témoin de Jéhovah, généralement dans une situation qui nécessite leur assistance. Leur intervention peut entrer dans deux cadres prévus par la loi Kouchner de 2002 sur les droits des malades :

 L’article L 1111-6 du Code de la santé publique permet à toute personne majeure de désigner une « personne de confiance », que ce soit un parent, un proche (fut-il ministre du culte) ou un médecin, qui « l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions ».

 L’article R 1112-46 du même code prévoit quant à lui les services d’un aumônier : « Les hospitalisés doivent être mis en mesure de participer à l’exercice de leur culte. Ils reçoivent, sur demande de leur part adressée à l’administration de l’établissement, la visite du ministre du culte de leur choix. »

D’autre part, leur rôle consiste essentiellement à aider le patient dans une situation éprouvante. Non seulement ils apportent une assistance spirituelle et un soutien moral à l’un des fidèles de leur confession, mais encore ils servent de médiateurs expérimentés entre un patient intimidé et des praticiens parfois peu disposés à écouter.

Puisqu’ils connaissent aussi bien les convictions religieuses de leur coreligionnaire et les diverses techniques médicales à envisager par l’équipe médicale, ils peuvent rassurer le premier en lui expliquant la situation (hors jargon médical) et apporter à l’autre une information plus technique. Au lieu d’entraver le travail de l’hôpital, ces personnes contribuent plutôt à résoudre au plus vite les éventuelles difficultés en partageant leur expérience ainsi qu’une documentation fournie, qu’un médecin ne peut généralement pas se constituer seul faute de temps et de moyens.

Comme l’explique clairement le livre précité :

« L’objectif du consentement éclairé est également d’instaurer, en guise de contre-pouvoir à l’emprise croissante des gestes médicaux techniques, un dialogue entre patients et soignants qui permette de considérer le malade dans sa globalité, aspects psychologiques inclus, et non simplement en fonction de la pathologie dont il souffre. Il sous-entend le développement de l’aspect humain de la relation patient-soignant, pétri d’empathie, de soutien et d’explications. Une des grandes faiblesses du système de soins français réside dans le manque d’écoute et de pédagogie de la part de nombreux soignants, alors qu’il est prouvé qu’un traitement compris et accepté est plus efficace, mieux toléré et mieux suivi qu’un traitement imposé. » (2)

Ces comités de liaison hospitaliers visent justement à combler ces faiblesses, en aidant le médecin à mieux comprendre l’importance de prendre en compte les convictions profondes du patient, tout en amenant ce dernier à suivre au mieux les recommandations du spécialiste et à respecter lui aussi la position compréhensible du médecin.

En outre, l’apport de sources supplémentaires d’information (issues de revues médicales réputées) ne peut remettre en cause le consentement éclairé ; au contraire, il élargit la vision du problème et favorise les chances de trouver un arrangement conciliant les intérêts de chacun.

Références

(1) Les Droits du patient, Salomé Viviana et Martin Winckler, Paris : Éditions Fleurus, 2007, p. 147.

(2) Les Droits du patient, Salomé Viviana et Martin Winckler, Paris : Éditions Fleurus, 2007, p. 139.