Question de droit

La condamnation de la France par la CEDH ne serait-elle qu’un point technique fiscal ?
Liberté de religion - Association - Taxation

- Modifié le 7 juin 2023

L’État français est condamné pour la première fois par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour violation de l’article 9 de la convention, défendant à l’occasion la liberté de religion des Témoins de Jéhovah [1].

Loin de reconnaître son erreur causée par le lobbying d’une poignée de parlementaires, le gouvernement préfère « minimiser la portée de cet arrêt », comme le révèle franchement Le Monde [2]. Selon le ministère de l’Intérieur, il s’agirait seulement d’un « point technique » et non d’une « question de principe ». Quant au cabinet du Premier ministre, il parle de simple « point de législation fiscale ».

La Convention européenne des droits de l’homme ne traite pas de détails sans importance sur la formulation d’un texte de droit. Ici, les juges européens ont conclu à l’unanimité que la taxation du denier du culte à 60 % portait atteinte à la liberté de religion. Ce droit fondamental n’est-il pas un grand principe à garantir ?

En réalité, ces représentants politiques ne mettent en avant que l’un des éléments de l’argumentation de la cour.

En premier lieu, constatant que les dons manuels demeurent la « source essentielle de financement de l’association par les fidèles », elle conclu qu’il y a bel et bien eu ingérence dans la liberté religieuse de la requérante. C’est là qu’un grand principe est en jeu.

En seconde partie, la cour poursuit son analyse par un contrôle sur les trois conditions qui autorisent par dérogation de telles restrictions à une liberté fondamentale. Ces dernières doivent être « prévues par la loi », poursuivre un but légitime, c’est-à-dire la protection de l’ordre public ou des droits d’autrui, puis être « nécessaires dans une société démocratique ». Or, ce qui est très rare, dès le premier point il y a un problème : force était de constater que l’application de la loi fiscale à un organisme à but non lucratif était difficilement prévisible.

En conséquence, la CEDH n’a pas jugé utile d’examiner également les deux autres conditions, puisque la première suffisait à établir la culpabilité de l’État français. Si l’examen était allé plus loin, la sentence contre la politique française aurait été bien plus douloureuse...